Chemin de fer et télégraphe

Heureux temps que celui des cadrans solaires régulateurs des horloges publiques ! Les magnifiques horloges solaires Bollée, nous indiquant l’heure avec précision, n’auront plus la mystérieuse tâche de nous servir de repères… Trop tard. Deux inventions, le chemin de fer et le télégraphe, vont escorter une expression symbolique : le progrès. La concomitance de ces modes de communication inédits et la rapidité de leur développement accompagneront une période plus mouvementée, celle d’une industrialisation galopante où les activités nouvelles génèrent le besoin croissant de connaître l’heure avec précision.
Place doit être faite désormais aux physiciens, mathématiciens, ingénieurs, horlogers et financiers de tous poils… le temps presse ! Il n’est plus possible de rêver.

Cf t meridienne observatoire
Oublions la circulaire du préfet Thomas et gardons en souvenir la Méridienne de l’observatoire, “pieuse” référence du passé, pour accéder à un nouveau rythme de régulation du temps que nécessite le chemin de fer. L’expansion de ce dernier sera liée à la constitution d’une série de compagnies, propriétés des banques : la Compagnie des chemins de fer de l’Ouest, celle du Chemin de fer d’Orléans, pour ne citer que les deux qui nous concerneront directement. Les intérêts économiques sont mal compris et les luttes d’influences au sein de ces compagnies ferroviaires n’arrangent pas l’avancement des projets (Union de la Sarthe de septembre 1853). Elles seront une des causes de la lenteur de la mise en place des constructions ferroviaires dans notre région, ceci entraînant de facto le retard de la mise en place des lignes télégraphiques le long de leurs voies. Ces ennuis ne s’estompèrent que dix ans plus tard avec la fusion des différentes compagnies. Décret du 27 mars 1852

Comment Le Mans et la Sarthe vont-ils aborder cette période qui me semble intéressante dans le domaine de la propagation de l’heure ?
Nous allons voir que le télégraphe va être l’un des vecteurs de la connaissance de l’heure, puisque chaque ligne de chemin de fer utilise l’heure de la principale ville desservie. Ce qui était acceptable aux temps des pataches ou des chevaux de postes devient vite obsolète avec l’organisation des réseaux de chemins de fer. Si le temps moyen local adopté en 1816 était déjà une grande étape, le problème se complique au fur et à mesure que les lignes des chemins de fer s’allongent et
“chassent devant elles les différentes heures locales” ! La connaissance des heures de départs ou d’arrivées et de passages à différentes gares va se montrer indispensable.

Les Affiches du Mans nous annoncent déjà en juillet 1844 que l’on va établir un télégraphe électrique sur le chemin de fer d’Orléans et que Monsieur M. Westheaone, physicien anglais, a l’intention de proposer à M. Duchâtel, ministre de la Monarchie de Juillet (1803-1867), le marché qu’il a conclu avec le gouvernement anglais. Il construira à ses frais toutes les lignes télégraphiques qu’il se charge d’administrer à un tiers de rabais, avec un privilège de vingt-cinq années.
Cf t bras du telegraphe chappeSi nos amis Anglais sont largement en avance en effet dans les domaines des chemins de fer et du télégraphe, ils n’oublient pas de nous faire remarquer dans un article signé “Un Inconnu” de Londres du 16juin, et de manière ironique, que le télégraphe de Chappe est déjà un “fantôme”:
Nous avons vu quelquefois sur nos tours, nos campaniles, nos églises, nos belles ruines gothiques, ce muet et gracieux interlocuteur qui se désespère et qui gesticule, en plein vent, pour faire passer une dépêche à son voisin. Chaque télégraphe s’interpelle ainsi et se répond avec ennui et découragement. Le télégraphe a dans ses allures toute la tristesse.
Le soleil est-il couché ? bonsoir. Le télégraphe a les principes de l’honnête rentier qui se couche tôt pour se lever tard. On dirait qu’il craint les rhumes ; au moindre brouillard, à la moindre pluie, à la moindre neige, il met la tête sous l’aile et s’endort. Il se rend justice. Il sait bien qu’il fonctionne provisoirement, par procuration en attendant mieux ; il sait bien qu’il est un pauvre pantin difforme dont on tire la ficelle pour faire aller un bras de ci, un bras de là .

Le télégraphe

La loi du 29 novembre 1850 va mettre le télégraphe électrique à la disposition du public en se servant des voies ferrées privées. Ce nouveau système de transmission est évidemment du plus grand intérêt pour notre connaissance de l’heure ; le courant électrique pouvant rapidement acheminer un signal de telle sorte que l’émission, la transmission et la réception paraissent instantanées ! Ceci laisserait entrevoir la possibilité de réguler et d’harmoniser les heures indiquées par nos horloges et de pouvoir établir avec plus d’exactitude les horaires des trains entre les différentes gares desservies. Si la précision de la seconde était demandée, elle n’enlevait ni n’ajoutait rien, bien entendu, à l’imprécision due à l’inertie de la grosse “aiguille des minutes” lors de son déplacement saccadé ! Mais après cette loi sur la télégraphie privée, un texte fondamental du monopole fut celui de 1851, Décret-loi du 27 décembre, qui indiquait entre autre qu’“aucune ligne télégraphique ne peut être établie ou employée à la transmission des correspondances que par le Gouvernement ou avec son autorisation”. Et d’ajouter : “Il est permis à toutes personnes dont l’identité est établie de correspondre au moyen du télégraphe électrique de l’Etat, par l’entremise des fonctionnaires de l’administration télégraphique”. L’État propriétaire de ses lignes peut les établir sur et sous les chemins publics, poser des conduites et supports sur les propriétés non closes et les bâtisses accessibles de l’extérieur. Une suite d’articles suivent et situent le cadre des obligations à respecter : “Les dépêches doivent être écrites lisiblement, en langage ordinaire et intelligible. Le directeur du télégraphe peut, dans l’intérêt de l’ordre public et des bonnes mœurs, refuser de transmettre les dépêches. En cas de réclamation il en est référé à Paris, au ministre de l’Intérieur. La correspondance télégraphique privée peut être suspendue par le gouvernement…”

Le télégraphe électrique est annoncé pour la Sarthe dès janvier 1853
En 1853 un effort imCf t pile maicheportant est accordé par le gouvernement pour que toutes les préfectures soient reliées à Paris. Le Mans en sera bénéficiaire. En réalité il faudra attendre le dimanche 20 novembre 1853 (Affiches du Mans) pour que l’annonce de la première communication établie par le télégraphe électrique entre Le Mans et Paris soit officiellement connue. Le lendemain lundi à cinq heures du soir on recevait, par cette voie, la Bourse de Paris du même jour. Les bureaux sont situés dans l’hôtel de la préfecture, au fond de la cour d’entrée, et ouverts au public de 7 heures du matin à 8 heures 45 du soir, du 1
er avril au 1er octobre, et de 8 heures du matin à 9 heures du soir, du 1er octobre au 1er avril. Les pièces réservées au service sont au nombre de trois, la salle d’attente pour le public, la poste, le cabinet du chef de station et la pile électrique, cette dernière pouvant être placée dans la salle de la poste.
ici : Pile de Louis Maiche

Dans la salle d’attente on trouve tout ce qui est nécessaire au service. En particulier l’affichage des tableaux des tarifs des transmissions des dépêches pour les différentes villes de France ; ceci nous permet de constater qu’un étrange parcours y est imposé aux messages transmis, entraînant tout de suite une tarification ubuesque. Si Paris est à 212 km du Mans, des villes comme Angers apparaissent éloignées de 557 km du Mans et Tours de 449 km, en fonction des lignes installées, bien sûr ; d’où un tarif des dépêches disproportionné. Le Mans-Paris coûte 4,20 F, Le Mans-Tours 6,50 F, Le Mans Angers 7,60 F.

Cf tarifs

Il devient urgent que les voies de chemin de fer soient réalisées, que ces lignes ne passent plus par la Compagnie du Centre et qu’elles soient reliées directement entre elles. Ce qui sera accompagné d’une lenteur voulue : Depuis que le chemin du Mans à Tours est concédé à la CompaCf distancesgnie du Centre, par le décret du 18 août 1853, aucun fait ne s’est produit qui puisse donner lieu de compter sur la prochaine ouverture des travaux. Les études ne paraissent même pas avoir été commencées ; il est donc malheureusement trop manifeste que la Compagnie du Centre, en soumissionnant cette voie de communication, a eu en vue plutôt de l’enlever à celle de l’Ouest que de l’exploiter pour elle-même.En décembre 1853, les poteaux télégraphiques sont posés de Paris à Rennes, les choses avancent ! Nous entrons réellement dans la voie de la télégraphie électrique.

Rappelons que durant la guerre de 1870, le rôle de la télégraphie dans l’organisation de la défense nationale fut facilité par l’installation des lignes électriques. Ce qui valait ce genre de phrase emphatique digne des sentiments de l’époque : L’étincelle éleCf corps francs photo 6ctrique s’unit, il serait injuste de dire se substitua, à la flamme patriotique pour aider à la formationdes armées, pour susciter l’élan des populations”. Dans notre région, la progression de l’armée était liée là aussi à la possibilité de recevoir ou d’envoyer des messages aux différents postes. Alençon, centre du système des transmissions, avait en particulier un fil direct vers Caen et un sur Le Mans. La 2ème armée de la Loire tombée au Mans au pouvoir de l’ennemi, les communications furent vite abandonnées avec Alençon. D’autant plus que, lorsque les dernières communications furent perdues, l’avant-garde de l’armée ennemie était déjà arrivée !


La progression du télégraphe au Mans

   
Poste de secours (Compagnie du Gaz et Électricité Vendôme)

Cf poste de secours du mans
Nous avons heureusement au Mans des personnages curieux des inventions nouvelles et qui cherchent tout de suite des applications possibles dans l’intérêt des collectivités. Je pense en premier à
M. Léon Seguin (1843-1922), directeur de la Compagnie du Gaz, qui va se révéler être un propagateur des idées d’avant-garde pour Le Mans, dans bien des domaines scientifiques ou sociaux.Cf 7 leon seguin

 
Léon Élie Seguin    (1843-1922)

Dans sa séance du 26 novembre 1875, le maire du Mans donne lecture d’une lettre de M. Léon Seguin, qui argumente pour l’installation d’une ligne télégraphique reliant l’hôtel de ville à l’usine à gaz :
« Depuis longtemps nous avions le désir d’utiliser notre personnel pour porter secours dans les incendies qui se produisent encore assez fréquemment dans notre ville. Dans ce but nous avons acquis un certain nombre de matériels qui, avec les 20 hommes entrainés selon les théories des Pompiers de Paris, pourraient intervenir et venir en aide aux pompiers de la ville. Notre pompe peut intervenir au premier signal. Malheureusement la difficulté d’être prévenu à temps vient détruire l’efficacité de nos moyens de secours. Notre préoccupation constante a toujours été d’arriver le plus promptement possible sur le lieu du sinistre ; un retard de quelques minutes en pareille circonstance occasionne souvent des pertes incalculables. Pour remédier à cet inconvénient, j’ai l’honneur de vous proposer, Monsieur le Maire, l’installation d’un fil télégraphique qui relierait l’hôtel de ville à l’usine à gaz. Les frais d’établissement de ce fil seraient, ainsi que la pose des appareils du poste de la mairie, à la charge de la Ville ; nous prendrions à notre charge tous les frais relatifs à l’installation du poste de notre usine. Dans sa lettre au maire du Mans, du 25 janvier 1876, l’Administration des lignes télégraphiques annonce ses conditions à l’établissement d’une ligne reliant la mairie du Mans à l’usine à gaz. Le tracé que je propose aurait pour point de départ le poste de police situé près de la salle de la Société philarmonique, suivrait les rues des Filles-Dieu, des Fossés-Saint-Pierre, des Falotiers, de la Barillerie, gagnerait la rue Saint-Louis, après avoir franchi la place de l’Éperon, traverserait la Sarthe par le Pont Napoléon, longerait le quai de l’Amiral Lalande et aboutirait enfin à l’usine à gaz. Les transmissions entre la mairie et l’Usine à gaz s’effectueraient à l’aide de l’appareil dit à cadran. Quoique l’emploi de cet appareil soit facile et à la portée des personnes étrangères au service télégraphique, il conviendrait que les agents désignés pour les faire manœuvrer reçussent préalablement une instruction spéciale, que je me chargerais de leur faire donner par un de nos employés. Le fil serait supporté par des tiges en fer scellées aux murs des maisons ci-dessous désignées :
- Poste de police, cour de la mairie, rue des Fossés-Saint-Pierre, maison n° 1, rue des Falotiers, maison n°2, rue de la Barillerie, maison n° 15, place de l’Éperon, maisons n° 2, 7,18, rue St Louis, maisons n° 32 et 56, quai de L’Amiral-Lalande n° 2, 14, 42, 66, 76, 100, et 114, usine à gaz.
Si le projet que j’ai l’honneur de vous soumettre reçoit votre approbation, il vous appartiendra, Monsieur le Maire, de solliciter de M. le Préfet un arrêté autorisant à exécuter les travaux dans les conditions indiquées ci-dessus. »

Léon Seguin honoré au cimetière du Mans

Comme nous l’évoquions dans le préambule du Progression du télégraphe au Mans, Léon Seguin fut un des personnages curieux des inventions nouvelles. Programmateur des idées d’avant-garde dans bien des domaines, scientifiques ou sociaux. Né au Mans en 1873, il fut le fondateur de la Société des Secouristes Français de la Sarthe en 1904.
Depuis la mort de Léon Seguin sa tombe était laissée à l’abandon. Et l’on doit à Monsieur Jean Brisebourg, ancien président des Secouristes Français-Croix Blanche de la Sarthe, l’initiative de sa remise en état en la restaurant afin d’en retrouver son état d’origine. Il pourrait paraître étrange que l’on n’ait jamais consacré à cet édile du Mans, un lieu public rappelant sa mémoire... ?

À la suite de cette cérémonie, Mr Brisebourg a retrouvé les testaments de Léon Seguin, ceux-ci, mettant en exergue ses qualités morales de bienveillance pour ses compatriotes.

Ch fer obseques leon seguin

Ch fer seguin tombe

Testament seguin

Le testament d'Élie Seguin...  et sa tombe au cimetière de l'Ouest du Mans

 

    

Poste de secours du Mans avant 1900

Cf cartes du resau du mans

Depuis 1876, la fusion de la Poste avec le Service télégraphique semble s’accomplir tranquillement pour faciliter la transition, en particulier pour la distribution des télégrammes. En ce qui concerne le télégraphe, toute demande de création de ligne doit être adressée à l’Inspecteur des télégraphes qui examinera le dossier. L’organisation du service des bureaux télégraphiques municipaux et le concours des agents des Postes se réalise progressivement.
Cette impulsion donnée par
M. Seguin dès 1875 se poursuit rapidement cette fois et fait de nombreux émules. En 1877, toujours en application du décret du Préfet, autorisant les agents du Service télégraphique à pénétrer dans les propriétés privées, une ligne est établie entre les Services des eaux, place Saint-Pierre, et les réservoirs d’eau.
Nous avons ainsi une suite de devis pour l’établissement d’une communication télégraphique entre l’usine à gaz et l’hôtel de ville et pour le poste télégraphique de la gare. Des appareils télégraphiques sont aussi installés au poste de nuit des agents de police afin d’établir une communication entre ce poste et l’usine à gaz,
“dans le but de les utiliser le plus promptement possible, en cas d’incendie”. La manœuvre de ces appareils devant être faite par les agents de service au poste, il devient dès lors nécessaire qu’ils soient initiés au nouveau service dont ils vont être chargés. M. l’Inspecteur des lignes télégraphiques veut bien leur faire donner les notions nécessaires. Il faut bien le constater, cette période est assez chaotique quant à la réalisation des différentes installations. Le 20 septembre 1878, une demande d’installation de ligne télégraphique, sur les supports appartenant à la ville est encore faite par l’ingénieur ordinaire des Ponts-et-Chaussées au maire du Mans :
« Le Service hydraulique de la Sarthe a fait l’acquisition de deux anémomètres enregistreurs, l’un pour les vitesses, l’autre pour les directions. D’accord avec la Commission météorologique de la Sarthe, je désirerais faire participer le public de la ville du Mans aux indications générales de ces instruments. Il a donc été admis en principe que les appareils enregistreurs proprement dits (et naturellement fort délicats) seraient installés dans les bureaux du Service hydraulique, mais que les engins destinés à recevoir directement l’action du vent (girouette et moulinet) seraient établis à 350 mètres environ de là, contre les bâtiments du Cercle de l’union qui dans une certaine mesure participe aux frais d’installation. Mais une transmission télégraphique est nécessaire pour établir la communication à 300 mètres environ entre les récepteurs et les enregistreurs. La ville ayant précisément pu établir sur ce parcours des supports télégraphiques, je viens vous demander l’autorisation d’utiliser ces supports pour soutenir le câble à relier la place de l’Étoile à mon logement. »

Une demande de la mairie du Mans concernant l’établissement d’une communication électrique entre l’usine à gaz et le bureau télégraphique installé dans les dépendances de la préfecture, est refusée. Le local étant devenu trop petit,
“ce qui impose à l’administration l’obligation de réserver l’emplacement restreint pour le service public”. Le local de la préfecture va devenir trop exigu, mais le projet de la construction de l’Hôtel des postes et télégraphes adopté en 1887 ne sera réalisé que le 1er mai 1891 !

Cf t station meteo 1

Toujours sous l’impulsion de
M. Seguin, membre de la Commission départementale météorologique, une station météorologique est installée dans l’enceinte de l’usine à gaz. Les bulletins d’observations sont affichés chaque jour place de la République; ils indiquent les variations barométriques et thermométriques, la direction et la vitesse du vent, la direction des nuages, l’humidité de l’air, l’état du ciel, la hauteur d’eau tombée, la quantité évaporée et la hauteur de l’eau de la Sarthe, l’état ozonique de l’air (déjà !).
Chaque jour un télégramme chiffré, comprenant les renseignements énoncés, est envoyé à l’Observatoire de Paris.
 

Il faut insister sur la mise en place de ces lignes télégraphiques car M. Seguin est déjà là dans l’évolution de la propagation de l’heure en province depuis le centre régulateur de l’Observatoire de Paris. Trois pendules y sont installées dans une salle spéciale, dont l’astronome de service a la clef et est chargé de régler la marche de la pendule régulatrice (la pendule de Berthoud). Chaque jour elle est contrôlée par un astronome et remise à l’heure à l’aide de petits poids amovibles placés dans une coupelle attachée au balancier. Les choses sont sérieuses ! Dommage peut-être en effet que la ville du Mans ne fût pas parmi les villes intéressées par la diffusion télégraphique de l’heure en province comme l’avaient accepté les villes du Havre, de Rouen, Saint-Nazaire, La Rochelle, Chambéry et Nancy. Mais ce service de diffusion de l’heure via la télégraphie, qui commença en 1880, fut arrêté définitivement le 31 décembre 1910.

La ville du Mans ne fut pas reliée à ce système, elle se contenta d’exploiter une solution simple et économique, l’heure à la gare, par l’horloge des Chemins de fer. 

Cf gare du mans 1855

D’ailleurs, les horloges des gares de province n’étaient-elles, pas réglées par des employés spéciaux qui parcouraient les lignes à certaines périodes fixes avec un chronomètre de poche réglé à Paris ? Il faut penser aussi à nos horlogers locaux chargés de régler les horloges des églises, ou des bâtiments publics. Cette tâche souvent issue de traditions familiales, ces artisans désirent garder leur pouvoir. Ils possèdent déjà des horloges précises et n’ont pas besoin d’une telle concurrence ! Puis nous avons localement l’entreprise Gourdin dont l’établissement s’est spécialisé dans la fabrication des horloges monumentales à Mayet dès 1812 et qui équipe petit à petit bien des communes sarthoises. À Saint-Georges-du-Rosay, la municipalité qui change son horloge en 1896 (pour une Gourdin) invoque “la nécessité d’avoir l’heure exacte avec l’établissement du tramway”.

Il fut un temps où les trains étaient à l’heure

Nous l’avons vu, l’organisation des réseaux de chemin de fer demandait beaucoup d’exactitude. Les horaires d’un train devaient être respectés rigoureusement, pour la sécurité des convois sur les parcours (dangers qui avaient été largement avancés par leurs détracteurs), et aussi pour la fidélisation de la clientèle à ce nouveau mode de transport, Il était lui-même devenu un régulateur, sonore ou visuel, fiable lors de son passage à travers les régions traversées. “C’est le train de 7 heures 10 qui passe ! Il est l’heure de rentrer”, disait-on, aux champs. Cette régularité du chemin de fer procédait évidemment d’une organisation scientifique autarcique assez draconienne. Car si pour le voyageur qui emprunte les chemins de fer l’idée de train est associée à celle de l’heure exacte, cette dernière prend également une très grande importance pour la plupart des agents “roulants”. Conduire le convoi en respectant l’horaire prévu, ou intermède métier, “faire l’heure” est un souci de chaque instant. Voici comment s’effectuait la transmission de l’heure à partir d’une gare principale, à l’époque du télégraphe Morse.

Cf t appareil breguet

Le poste transmetteur, après avoir appelé, émettra : “Heure – Bientôt telle heure (par exemple 12 h 3). Puis à 12 h 3 il enverra le signal correspondant à la lettre “e” ( . un point). L’agent récepteur devra, en portant rapidement ses yeux sur sa montre qu’il tiendra prête ou sur un œil de bœuf, vérifier s’il existe un écart entre l’heure envoyée et celle de son poste. Il rendra compte immédiatement de l’écart existant au chef de sécurité, lequel devra aussitôt rectifier les appareils. Nous avions ainsi une précision de la seconde. Nous sommes dans les années 1880, cette transmission de l’heure de manière indépendante à partir d’une horloge mère sera la consécration de la précision obtenue par les horlogers. Quant à la transmission même du signal, la rigueur des techniciens de la chronométrie des chemins de fer accompagnera une étape importante de l’efficacité reconnue de ses services. L’installation des réseaux locaux, indépendante, devait évidemment adhérer aux mêmes critères, pour que l’heure indiquée soit indiscutable. En France, le chemin de fer utilisait l’heure de la principale ville qu’elle desservait. Mais en 1888, Paris impose son heure à toutes les gares du territoire, les cadrans des stations et des salles d’attente indiquant l’heure exacte de Paris.

Cf photo gare du mans

Ce système de précision, dans la “coordination” des différents cadrans, découlait des conditions suivantes : indiquer l’heure avec le maximum de précision, afficher une heure absolument identique en tous points de l’installation, assurer, suivant l’importance de la gare, un fonctionnement ininterrompu. Un réseau local comporte donc une horloge “directrice” et un nombre variable d’horloges “réceptrices”, dont le fonctionnement est complètement asservi. La régulation de l’indication de l’heure se généralise avec l’avènement du téléphone.

   La gare du Mans

 

En aparté

Arrêt technique à Connerré : une aubaine pour… la renommée des rillettes du Mans

Souper à la mode du Maine était la renommée de notre province, réputée du temps de Scarron. Peut-être les rillettes du Mans étaient-elles aux menus du restaurant "Le Grand Dauphin", auberge de la place des Halles.

Ceci me rappelle les discussions familiales empreintes parfois d’une sympathique mauvaise foi. Ma femme étant sarthoise et moi tourangeau !

Le sujet de ce colloque que j’ai provoqué : C’est incontestable, c’est historique, c’est prouvé, c’est bien la Touraine qui a inventé les rillettes ! Et il y a des écrits qui en attestent, depuis le Moyen Âge ! Rabelais, déjà, parlait de cette « brune confiture », de même que Balzac, dans les mêmes termes. Et l’un et l’autre ont bien utilisé l’adjectif « brune », caractéristique des rillettes de Tours, et non pas « rose », caractéristique des rillettes du Mans. Cela dit, avouons-le, il n’est pas impossible que le lecteur ressente un très léger manque d’impartialité dans les écrits de l’auteur à propos de la guerre insolite et séculaire que se livrent les rillettes de Tours et les rillettes du Mans. Oui, car, il faut l’avouer… l’auteur est tourangeau !

Mais… Mais, si la Touraine a effectivement inventé les rillettes, il y a eu au Mans, ou plus exactement à Connerré, quelqu’un qui a été très malin.
La ligne de chemin de fer Paris-Nantes passait dans sa ville, et, tous les jours, le train s’y arrêtait deux heures pour des raisons techniques. Et ce monsieur,
Albert Lhuissier, avait bien repéré que ces pauvres voyageurs attendaient. Alors, pourquoi pas un petit stand sur le quai pour leur proposer, sur le pouce, une bonne tartine de rillettes, facile à manger sans assiette et sans couverts ?
Et puis, au retour sur Paris, comme il est agréable de remplir les valises de pots de rillettes, petits présents qui feront les délices des amis restés en ville !
Et voilà, à partir de là, et avec un certain sens des affaires, il a fait de sa ville, du Mans, et de la Sarthe toute entière, la région capitale des rillettes.

Aujourd’hui, c’est vrai, la Sarthe a une production annuelle de rillettes très grandement supérieure à celle de la Touraine (y compris les rillettes industrielles…).


Rillettes de Tours et rillettes du Mans : les différences.

Ah ! Sacrilège ! Poser cette question, c’est un peu poser la question des différences entre un original, et une copie (bon, oui, là, je ne suis peut-être pas complètement impartial…). Une différence de fond se passe sur le dessus. En effet, la rillette de Tours se cuit sans couvercle, et la rillette du Mans se cuit avec couvercle, à l’étouffée. Résultat ? La rillette du Mans, confinée dans son faitout, s’effiloche beaucoup plus et garde toute sa graisse. Conséquence, on trouve de jolis petits morceaux dans la rillette du Mans, alors que la rillette de Tours forme une texture plus homogène, et la rillette de Tours est moins grasse.
Par ailleurs, la rillette de Tours est un peu plus colorée, un peu plus brune, que celle du Mans, grâce à l’utilisation de l’arôme Patrelle, anciennement jus d’oignons brûlés.

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Date de dernière mise à jour : 12/12/2022