Le cormier

Le cormier arbre paysan oublié

Des cormiers, Ben, Yenn’N’a Plus Guére

En bordure d’un chemin de randonnée, on est parfois intrigué en voyant au sol de drôles de petits fruits, comme petites poires lisses ou, plus rarement ronds comme des mini-pommes. Si le randonneur cesse alors de ne regarder que ses pieds, il verra une écorce à petites écailles fines, un tronc souvent torsadé, une ramure dense constituée de petites feuilles composées, un peu dentelées. Au printemps, l’arbre se couvre d’une floraison blanche, bourdonnante d’abeilles, et l’automne le voit flamboyer du blond au roux. Notre randonneur vient de découvrir l’un des vestiges d’une grande histoire sarthoise : Sorbus domestica, en sarthois, le cormier. Et il porte bien son nom domestique, tant il a accompagné nos anciens dans leur vie quotidienne.
Il fut un temps où le cormier était abondamment planté près des fermes, ou en bordure des champs. L’arasement des haies et l’abandon des usages de son bois et de ses fruits ont eu raison de lui. L’inventaire des cormiers, réalisé à l’occasion de l’inventaire des arbres remarquables de la Sarthe, en recense péniblement un, trois ou au maximum six rescapés par commune, souvent seul au bord de route, témoin d’une vieille haie passée sous les tronçonneuses. Mais pourquoi le paysan sarthois l’a-t-il alors épargné lors de l’arrachage de la haie ?

Bin, L’cormier, ça qu’est SACRÉ

Comme notre cormier pousse très, très lentement, son bois est dur, dense et quasiment imputrescible. Il faisait merveille pour les alluchons, cette partie en bois des dents de roue des moulins.
Il a fait des semelles de rabot inusables, des billots de boucherie… Sans parler qu’il était essentiel à la fabrication des boules de fort, jeu très prisé dans le sud de la Sarthe, avant que les boules ne soient en résine. Puisqu’il était « sacré », on le coupait moins qu’un autre arbre ; il était donc tout indiqué pour servir de borne ou de limite de champ.

Et bien sûr, il donnait et donne toujours des fruits. Faisans, chevaux et… enfants en étaient très friands, d’autant que sitôt tombées à terre, les cormes commencent à monter en alcool. Attention, « faut les manger bièches » c’est-à-dire bien molles mais pas encore blettes. Mais surtout, on en fabrique le cormé, encore appelé le cidre de cormes, et la goutte.

I’R’PRENDRA BIN EUNE TIT’ GOUTT’

Parce que la corme, « c’est bin alcooleux ». Et ce pays sarthois, ni vraiment pays de cidre, ni pays de vin, était bien pays de cormé. Si le cormier a quasiment disparu des zones de cultures de céréales, on en trouve encore quelques-uns dans les terres moins riches, terres d’élevage ou au relief plus accidenté. Le record de cormiers encore debout revient à un village du sud-est de la Sarthe.
À CONFLANS-sur-ANILLE : on a recensé pas moins de vingt-sept cormiers, se détachant avec quelques chênes, épargnés comme eux, en bordure de route ou de champ. Il suffit de quitter le grand axe entre Vibraye et Saint-Calais, de flâner autour de Conflans sur les petites routes ou les chemins creux… et d’attendre l’émotion de la rencontre avec un cormier.

Date de dernière mise à jour : 14/03/2024