De la chaire à la Chair, les secrets des Pans de Goron

De la chaire à la Chair, les secrets des Pans-de-Gorron

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En 1880, Le Mans comptait jusqu’à 17 maisons closes. Peu de traces subsistent de ce patrimoine méconnu. Les anciens bordels de l’escalier des Pans-de-Gorron ont été détruits. Un peu plus bas, au N° 1 de la rue éponyme, seule une maison ayant autrefois abrité cette activité demeure encore debout.

Photo escalier des Pans de Gorron

« Dans le voisinage trop immédiat de la cathédrale du Mans, il y a un pâté de maisons. De ces maisons qui sont une nécessité pour les villes de garnison…Enfin quoi des maisons ! » Ces lignes signées Georges de la Fouchardière, journaliste au quotidien L’Œuvre, figurent dans un article paru le 25 octobre 1924, intitulé ironiquement « D’un bénéfice ecclésiastique ».

 

Petites bottines et grands euphémismes

Situées non loin de la cathédrale Saint Julien, en bordure de l’escalier et de la courte rue des Pans-de-Gorron, lesdites maisons, avec lanternes et gros numéros au-dessus des portes, avaient des dénominations différentes dans la société mancelle.

 Les femmes « respectables » les appelaient « les maisons closes », redoutant peut-être que leurs maris y entrent pendant qu’elles assistaient aux offices. Les gens d’Église désignaient ces établissements que la morale réprouve sous le nom de « lieux de mauvaise vie ». Les lettrés les nommaient plus justement « maison de tolérance », c’est-à-dire officiellement « tolérées » par l’État ou les municipalités, bien que leur existence restât controversée. Certains, inspirés par les élégantes chaussures montantes des prostituées, leur donnaient un surnom plus poétique : « les petites bottines ».  Cependant, les hommes du quotidien ne se perdaient pas en fioritures linguistiques : pour eux, les Pans-de-Gorron désignaient simplement l’escalier et la rue des bordels du Mans. Loin d’être vulgaire, ce terme trouve ses origines dans l’ancien français, où il signifiait à l’origine, une modeste cabane.

Une rumeur sulfureuse

Dans le fameux article paru dans l’Œuvre, le journaliste persifle, laissant entendre que le diocèse du Mans avait acheté certaines de ces « maisons spéciales » pour en tirer profit. Une aubaine pour les anticléricaux, ravis de trouver du grain à moudre pour nourrir leurs attaques contre « la calotte » …

En vérité, l’histoire est bien moins croustillante que la rumeur qui commence à enfler à l’époque.

Les ambitions avortées de l’Évêché

Contraint de déménager à la suite de la loi de Séparation de l’Église et de l’État de 1905, l’Évêché s’était installé à l’hôtel du Grabatoire.

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Problème : ce magnifique bâtiment de la vieille ville, qui fait face à la cathédrale jouxte aussi « la rue infâme de la cité ». Aussi, si le diocèse a bien fait l’acquisition de deux maisons au début du XXe siècle, rue des Pans-de-Gorron, ce n’était pas pour en tirer profit, mais pour les faire disparaître. L’idée, était de racheter tous les établissements qui abritaient des prostituées pour leur donner congé, dès que possible.

Mais une loi décrétant un moratoire sur les paiements des loyers va faire capoter le projet. En 1919, les propriétaires étaient indemnisés par l’État à hauteur de 50% et les baux prorogés, à la convenance du locataire, avec les loyers figés. Dans ces conditions, l’Évêché ne trouvait aucun acheteur et les expulsions n’ont pas pu avoir lieu…C’est cette affaire que l’Œuvre met sur la place publique.

Le tribunal du mans juge en diffamation le journal et le journaliste

Un article qui ne sera pas du goût de Mgr Grente, installé dans ses fonctions d’évêque du Mans, en avril 1918…Il assigna le directeur du journal et le journaliste pour diffamation devant le tribunal. Le jugement fut rendu le 5 décembre 1924, et donna raison au prélat, estimant que l’intention de nuire était « certaine ». L’histoire en restera là puisque les deux prévenus ne feront pas appel. En attendant, la prostitution avait encore de beaux jours devant elle.

 

Bourgeois, poker et mères maquerelles

Dans Mon Siècle au Mans, Jacques Chassumier raconte qu’entre les deux guerres, les maisons closes du Mans avaient pour propriétaires, des individus à l’apparence de « bourgeois de la haute société ». Ces hommes n’avaient pas un travail écrasant, se chargeant seulement, le soir venu, de ramasser l’argent gagné par leurs protégées et accumulé par la gérante de l’établissement, désignée sous le nom de « tenancière » ou plus vulgairement de « mère maquerelle ». Ils passaient tous leur après-midi, au café du théâtre, place des Jacobins, toujours impeccablement habillés, et jouaient discrètement au poker, une pratique formellement interdite en dehors des casinos, sous l’œil bienveillant du patron du café.

Ce Manceau de naissance (15 octobre 1925) a été président du comité des fêtes du centre-ville du Mans, pendant 35 ans, mais également secrétaire général du comité permanent des fêtes du Mans pendant 25 ans. À ce titre, il était à la baguette de l’organisation.

Né, au Mans, le 15 octobre 1925, Jacques Chaussumier était le fils d’un chapelier établi place des Jacobins, d’où le titre qu’il donna à l’un de ses ouvrages sur l’histoire de la ville : ‘’Le fils du chapelier’’. Ancien élève du lycée du Mans (actuel lycée Montesquieu), puis directeur d’un laboratoire pharmaceutique, Jacques Chaussumier était père de trois filles.

Son épouse tenait un magasin de maroquinerie dans la rue des Minimes où elle était née et où le couple allait vivre à partir de 1968 après avoir vécu rue Crochardière.

C’est à partir des années soixante justement qu’il prend des responsabilités dans la vie associative mancelle pour ne pas la quitter durant plus de cinquante ans !

Président de l’office de tourisme

Au-delà de ses responsabilités au sein du comité des fêtes du centre-ville du Mans et du comité permanent des fêtes du Mans, Jacques Chaussumier a également été président de l’office du tourisme du Mans pendant une dizaine d’années, et président départemental de l’Automobile-club de l’ouest pendant quatre ans.

 

Lorsque la loi Marthe-Richard, imposa la fermeture de ces maisons en 1946, le café du Théâtre perdit ainsi une clientèle fidèle. Les lieux de mauvaise vie furent fermés, mais au Mans, comme ailleurs, les dames de petite vertu, envahissent les rues où elles vendirent leur charme aux passants, exerçant toujours de nos jours, le plus vieux métier du monde.

Extraits de Le Mans ma ville du mercredi 8 janvier 2025. Photos Paul Deciron

Date de dernière mise à jour : 15/04/2025