La ville inhumera-t-elle les soldats "Vendéens" ?

La ville inhumera-t-elle les soldats « vendéens » ?

Depuis la découverte, en 2009 au Mans, de fosses contenant des restes humains issus de la bataille de décembre 1793, aucun lieu n’a été déterminé.

L’histoire

Où enterrer les corps découverts lors d’une campagne de fouilles en 2009-2010, préambule à la construction du complexe culturel des Jacobins ? La question, sensible car elle renvoie à un épisode de la Révolution française, n’est toujours pas tranchée.

Potos des fouilles

Une commission scientifique, composée de quatre historiens et archéologues, a établi des conclusions à l’issue d’une journée d’études, le 8 décembre 2023, au Mans. Parmi les auteurs du rapport, Ludovic Schmitt, archéologue à l’Institut national de recherches archéologiques préventives (Inrap), centre du Mans et Stéphane Tison, maître de conférences en Histoire contemporaine à Le Mans Université, conseiller scientifique de la ville du Mans et Le Mans métropole.

 

 

Les corps retrouvés aux Jacobins

Les charniers sont la conséquence d’un moment sanglant de la guerre de Vendée. Les 12 et 13 décembre 1793, les forces « vendéennes » et les troupes républicaines s’affrontent au Mans. Des témoins de l’époque décrivent un carnage et des milliers de morts, particulièrement dans les rangs des « Vendéens », en réalité issus de plusieurs territoires de l’ouest de la France.

L’armée républicaine poursuivant les opérations vers Laval, les habitants du Mans se chargent des morts des troupes catholiques et royales. Les historiens notent que les morts sont inhumés dans de multiples fosses de la ville. « La rapidité des inhumations est due à la crainte de la diffusion des épidémies liées à la putréfaction, à quoi s’ajoute la crainte de la diffusion de maladies, puisque l’armée vendéenne véhicule, du fait d’un état sanitaire dégradé, la dysenterie et le typhus », mentionnent les historiens.

Une partie des corps est inhumée aux Quinconces des Jacobins, un terrain alors public qui appartenait avant la Révolution au monastère des Cordeliers. 216 ans plus tard, ce sont 154 corps, avec quelques traces de vêtements qui sont mis au jour. L’archéologue Élodie Cabot ne relève de traitement différentiel entre les victimes républicaines, vendéennes ou encore civiles.

Plusieurs lieux possibles de sépulture

Un rapport réalisé en 2016 évoquait plusieurs lieux possibles de sépulture :Saint-Florent-le-Viel (Maine et Loire), site d’où partirent 50 000 « Vendéens » dans la Virée de Galerne et lieu de la grâce de Bonchamps envers 5 000 prisonniers républicains le 18 octobre 1793 ; Le Mans (Sarthe) comme lieu de découverte des restes humains associés à la bataille ; Les Lucs-sur-Boulogne (Vendée), endroit où furent tués 564 habitants le 28 février 1794 ;la chapelle du Mont des Alouettes (Vendée), qui commémore le passage en 1823, de la fille de  Louis XVI ; Carquefou, près de Nantes, dans l’entrepôt de l’Inrap (Institut national de recherches archéologiques préventives).

Les historiens rappellent qu’à l’époque la ville du Mans, tout en souhaitant œuvrer « pour une mémoire commune », ne souhaitait accueillir ces restes humains. Alors que le projet d’inhumation à Saint-Florent-le-Vieil n’a pas finalement pas abouti, l’actuelle municipalité du Mans n’a pas écarté la possibilité d’une inhumation locale, lors de la journée d’études organisée le 8 décembre 2023.

Le comité scientifique avance des justifications symboliques et mémorielles. « L’inhumation dans un des cimetières du Mans permettrait d’inscrire la mémoire des personnes tuées pendant la bataille du Mans de 1793, dans la mémoire collective des manceaux et l’intégrerait ainsi définitivement et publiquement dans l’histoire de la ville », prescrivent les historiens, qui évoquent le Carré militaire du cimetière de l’Ouest.

Ce lieu permettrait d’associer les défunts à toutes les personnes victimes des guerres civiles et appeler la tolérance entre les opinions, croyances et appartenances différentes. » Les chercheurs précisent que les associations Le Souvenir vendéen et la Vendée militaire se sont déclarées publiquement favorables à une inhumation au Mans. La décision finale reviendra à l’État, propriétaire des ossements.

Les fosses découvertes ne comprenant que 5 à 6 % du nombre total des victimes, la sépulture dédiée pourrait accueillir de nouveaux ossements. Les historiens suggèrent aussi qu’un petit espace muséographique pourrait être consacré au tragique évènement, au tableau représentant la bataille du Mans de 1793, réalisé par le peintre Jean Sorieul en 1852, et visible au musée de Tessé.

Extraits d’un article paru dans Ouest-France d’Emmanuel CHARLOT.

Date de dernière mise à jour : 09/12/2024