Saint-Symphorien à Sourches

C’est au cours de la remise en place du cadran solaire de l’église de Neuvy-en-Champagne que mon attention fut attirée par une dame participant à une conversation informelle sur l’histoire du Temps. Lors des visites organisées à l’occasion des journées du Patrimoine, disait-elle, « on faisait voir une ligne tracée sur un parquet, et celle-ci était la trace du méridien de Greenwich ». J’étais assez perplexe sur cette définition et il me fallait voir rapidement l‘objet in situ, pensant tout de suite aux méridiennes du XVIIIe.

Toutes les photos sont de Paul Deciron 1980

Ch sourches 1

                                                                                
En 1763, Louis II du Bouchet, le marquis de Sourches décide de remplacer le château féodal par une habitation plus confortable et confie la réalisation du projet à l’architecte du comte de Provence M. Pradel qui réalisa les travaux. Ces derniers seront surveillés sur place par l’architecte des religieux de La Couture au Mans qui « reconnait être chargé de la conduite des bâtiments à faire à Sourches, d’après les plans qui m’en sont fournis ».
Dans ce bel édifice du XVIII
e, nous nous trouvons en présence d’une méridienne de temps vrai, tracée à l’aide de petits clous de cuivre, sur le parquet d’une pièce du château. Cette ligne marque (quand le soleil brille) sur un plan horizontal, la trace du passage du soleil au méridien du lieu, durant toute l’année. Il ne peut s’agir comme il a été dit, du méridien de Greenwich ; à cette époque le méridien origine, après l’Ile de fer, était celui de l’Observatoire de Paris, et ce n’est qu’après 1911 que Greenwich fut pris comme référence. Il est vrai que ce dernier passe tout près de Saint Symphorien (0.05).
Aux XVIIe et XVIIIe, les méridiennes étaient le plus souvent établies dans des églises, ou dans une pièce intérieure d’un hôtel particulier. Il est intéressant d’ailleurs, en fonction des dates de construction du château de Sourches (1761, 1780) de constater encore la réalisation d’une méridienne de temps vrai, alors que des méridiennes de temps moyen en forme de 8 allongé, sont déjà connues. Mais il est vrai que Deparcieux (Deparcieux Antoine. Mathématicien, né près de Nîmes en 1703 mort en 1768, Membre de l'Académie des sciences), dans son traité de Gnomonique de 1741, signale au sujet des méridiennes de temps moyen : 
« Je n’en connais encore que trois, la première est celle que Monsieur de Fouchy traça chez Monseigneur le comte de Clermont et deux que j’ai tracées l’année dernière ; l’une chez le Marquis de Bonnelle, et l’autre chez le Marquis d’Houël. »
Le XVIII
e siècle est la plus belle période dans la réalisation des cadrans solaires. Il est le garant de l’heure vraie de midi, il accompagne la mise au point de l’horloge mécanique ; mais restera pour beaucoup le symbole de l’heure du soleil qui devait régir la vie quotidienne depuis le temps de Louis XIV. Louis du Bouchet, Grand Prévôt de France, réglait la vie de son château de Sourches comme l’avait demandé ce roi, « selon la marche du soleil ». Ce qui ne veut pas dire que les pendules de cette époque, qui ont des cadrans avec les secondes, soient toujours fausses, mais elles ne sont pas toujours en phase avec le soleil. Dans nos campagnes, seule prime l’heure solaire, par habitude et facilité, mais aussi officiellement. Il faudrait revoir la détermination de l’heure et les méridiennes dans la Sarthe (par habitude, facilité, les employés n’ont confiance qu’en l’heure solaire).

Situation de la Méridienne :
Établie sur le parquet d’une chambre du rez-de-chaussée de l’aile sud du château, chambre dite de l’Évêque.
Le plan qui suit en précise la position.

Ch sourches 2


Nous avons, avec Monsieur Joseph Guilleux, effectué des relevés à deux jours différents pour nous approcher le plus près possible de la réalité. Monsieur Latron, architecte des Bâtiments de France, m’ayant fourni les plans du château de Sourches, j’ai pu à loisir situer et coter la méridienne.

(Les moments autorisés de ma présence dans les lieux étant limités.)Ch sourches 3

Sa longueur est de 6 625mm ; elle est composée de 599 clous en cuivre, de 3,8mm de diamètre. Un certain nombre de ces derniers ont disparu, particulièrement entre 400 et 540 mm, une lame de parquet ayant été changée près de la fenêtre.
L’alignement de ces "points-repères" sur l’ensemble de la méridienne est assez moyen.

Des variations de 3 à 4 mm par rapport à la ligne théorique étant assez fréquentes, cette dernière est Ch sourches 4tracée sur « un parquet Versailles » dont les côtés sont de 1020 x 1020 mm.

Recherches des coordonnées particulières 

Il faut d’abord souligner que le gnomon n’existe plus ! On pourra essayer quand-même d’en déterminer un emplacement théorique. Par contre sont connues avec précision les positions des deux points extrêmes. L’un près de la fenêtre correspondant au solstice d’été, déclinaison du soleil de + 23°26, l’autre, dans le fond de la pièce au solstice d’hiver – 23°26. La distance entre ces deux points étant la longueur de la méridienne soit 6 625 mm. Il faut dire tout de suite que, pour m’éviter de longs et fastidieux calculs, j’ai employé le programme informatique de M. P. Dallet (basé sur la méthode Bedos).Ch sourches 5
Cette méthode m’a permis de trouver rapidement les positions des deux solstices, par rapport au "pied du style", donc de la position du gnomon. Pourquoi ne pas continuer cette recherche théorique ?
Au solstice d’été le point lumineux projeté par le gnomon se situerait à 1 199 mm du pied du style, et pour le solstice d’hiver à 7 825 mm. Tous ces calculs conduisent à des positions pour l’œilleton à l’extérieur de la pièce bien entendu !       

Ce genre de réalisation accompagnait bien l’engouement pour la science de ce Siècle des Lumières dans l’ambiance des « salons ». Elle permettait surtout de "mettre les pendules à l’heure" et le seigneur du lieu était bien le maître du temps local.

Si la recherche de la méridienne au Château de Sourches, dans la Chambre dite de l’Évêque, fut pour nous une prospection sérieuse agrémentée de calculs mathématiques, la découverte d’un texte relatant les pieuses actions de la Comtesse de Sourches, est, elle, plus amusante quant aux coutumes de cette époque et relatée dans ‘’les Affiches du Mans’’ :

"Madame la Comteffe de Sourches, Animée du louable défir de faire fleurir dans fes terres les mœurs & la vertu, ayant pris dès l’année dernière la réfolution d’y faire l’établiffement d’une Rofière à l’inftar de celle de Salency, vient d’avoir la douce fatisfaction de voir exécuter, pour la premiere fois, fon pieux deffein, qui a eu tout le fuccès qu’elle pouvoit s’en promettre. Les Curés & principaux habitants de la ville de Ballon, chef-lieu de fa terre, s’étant réunis au mois de juillet dernier, dans le lieu ordinaire des affemblées de Paroiffe, procédèrent par la voie du fcrutin, à l’élection pour la Rofière, de la fille de la Paroiffe qu’ils ont cru en la liberté de fe choifir un mari. Le jour fixé par Monfeigneur l'Evêque du Mans, de concert avec Madame la Conteffe pour le courronnement & la célébration du mariage de la Rofière, ce Prélat a bien voulu fe rendre au château de la Davière, Paroiffe de Courcemont, pour donner la bénédiction nuptiale aux époux… Avant que de fe rendre dans la chapelle du château, Madame la Comteffe a attaché au corset de la Rofière, une rofe d’argent en présence d’un concours nombreux de la noblesse & du clergé des environs, qu’elle avait priés à cette fête, pour être témoins de ce premier triomphe de la vertu, dans fes terres."

Mais où en sommes-nous de ces "Temps d’Antan" ?

 

 


 

 

Haut de page  

Date de dernière mise à jour : 20/11/2022