Le Mans - Abbaye Saint-Vincent

Le Mans – anciennement Abbaye Saint-Vincent


La méridienne du logis abbatial


Les restes d’une
Méridienne de temps vrai, se voyaient encore sur les clichés pris en 1924, au moment de la restauration du bâtiment sur la tour à pans de l’ancien logis abbatial. La Méridienne est une ligne droite verticale qui permet de déterminer ce moment du midi vrai, le midi solaire. Cet instant correspond à la position la plus haute du soleil (culmination) donc au passage plein sud. Elle est la trace verticale du méridien du lieu.
L’organisation spirituelle et matérielle de la vie du moine nécessitait la connaissance de points de repères pour l’application de la règle de Saint Benoît (
voir Jacques Biarne, Le temps chrétien de la fin de l'Antiquité au Moyen Âge, CNRS 1984). L’observance de la Règle conduisait à une notion précise, mais néanmoins fluctuante, des heures des offices en se référant au soleil, avec des durées différentes en fonction de l’époque de l’année. La vie monastique qui adapte la prière, le sommeil, le jeûne et le travail dans le cadre de  la journée, se positionne sur une série d’offices depuis le lever du soleil jusqu’à son coucher. La fragmentation de ces « espace-temps » pouvant être obtenue également à l’aide des clepsydres et des sabliers, en absence prolongée du soleil.
Cette ponctuation sera accompagnée par un signal sonore : la cloche, d’où la présence fréquente de campaniles à proximité. L’utilisation de « garde-temps » de précision intervient à partir du XVIe siècle avec l’avènement de l’horloge mécanique qui se généralise durant le  XVIIe dans notre région.

Photo de la tourPhoto de la tour2La méridienne pourrait avoir été établie avant le XVIIIe siècle, si nous adoptons la datation de la tour fin XVe début XVIe selon Robert Triger. Le tracé de la ligne verticale encore visible sur les photos, atteste d’une méridienne de temps vrai, donc avant l’introduction en 1730 de la courbe en forme de 8 par Jean-Paul Grandjean de Fouchy, secrétaire de l'Académie des Sciences à partir de 1743. Le développement des méridiennes (particulièrement des méridiennes horizontales) accompagnera la venue des horloges mécaniques. La description qu’en fit dom Bedos dans l’édition de la Gnomonique Pratique de 1780 en souligne l’intérêt : Les méridiennes font devenues fi fréquentes depuis quelques temps que nous avons cru faire plaifir au Public de traiter cette matière affez en long. Il aurait été  tentant d’attribuer l’établissement de cette méridienne à dom Bedos de Celles, à l’époque des transformations mauristes de Saint-Vincent, mais rien en ce domaine ne nous permet actuellement de l’affirmer.
Un disque métallique percé d’un trou (œilleton) est maintenu sur la façade par trois pieds (tripode) à distance et position angulaire déterminées (ici 42°) ; lorsque le soleil est au méridien, les rayons lumineux passent par ce petit orifice, et  projettent tous les jours sur le mur un point lumineux sur une ligne verticale : la ligne de Midi vrai. En fonction de l’époque de l’année, donc de la hauteur du soleil sur l’horizon, ce point est plus ou moins haut sur cette ligne, avec deux positions extrêmes aux solstices d’été et d’hiver. Sur les deux photos, la ligne verticale est encore bien visible. À partir des dimensions relevées sur la photo des Archives et des cotes d’encombrement observées in situ, une extrapolation nous conduirait à proposer quelques chiffres : un diamètre du disque de 250 mm, pour une hauteur de la ligne de midi vrai de 3000 mm, donc une méridienne assez importante.

Dans la cité, les problèmes de l’heure deviennent également préoccupants ; les populations, qui avaient l’habitude de réguler leurs activités sur les signaux sonores des cloches de l’abbaye ou de l’église proches, sont désorientées « Solis mendaces arguit horas » selon la devise des horlogers du XVIIIe siècle : les heures du soleil sont trompeuses.

Nous sommes restés, dans le Maine et pratiquement dans la Sarthe, sous le temps du Roi Soleil. Depuis 1641, les horloges du royaume sont réglées « selon la marche du soleil » et ceci jusqu’en 1891.  Il faut dire que l’horloge mécanique eut des débuts chaotiques, les rouages grossiers étaient peu précis, le « calage » de l’heure était souvent nécessaire à partir d’un cadran solaire. L’habitude, ce frein à l’adaptation et au progrès, perdurera même après l’adoption des fuseaux horaires.

Saint vincent photo3  Extrait de A. D. Sarthe cote 18J 1428 (photo de 1924)

L’intérêt porté à ces Méridiennes durant la fin du XVIIe et le début du XVIIIe, conduisit Jean Dominique Cassini à réaliser la méridienne de l’Observatoire dès 1678 et Henry de Sully, en 1727, débuta la méridienne de l’église Saint-Sulpice (méridiennes horizontales) pour donner aux Parisiens « un moyen praticable et à la portée de tout le monde, pour connaître avec justesse tous les jours de l’année, l’heure vraie du Soleil, à quoi doivent se rapporter tous les instruments dont on se sert pour la mesure du temps et surtout les Horloges Publiques ».

Recherche : un deuxième cadran à Saint-Vincent ?

Paul Gelineau dans ‘’Études sur l’Horlogerie Ancienne’’, nous signale la présence en 1933 d’un cadran solaire sur la façade de l’abbaye Saint-Vincent : « l’asile des vieillards installé dans l’ancienne abbaye de Saint-Vincent, en possède de même un sur sa façade » (extrait de "La Mesure du Temps" Sciences et Arts de la Sarthe 1933, p. 77). Nous avons aussitôt contacté Monsieur André Ligné, collectionneur de cartes et photos anciennes, qui a eu le plaisir de nous annoncer qu’il possédait 2 exemplaires de cette façade. Sur ces cartes postales, nous distinguons nettement le cadran situé sur l'avant-corps de la façade sud.

M 2 cadran st vt sud

Analyses :
À Saint-Vincent sur la tour de l’entrée du XV
e début XVIe selon Robert Triger, la ligne verticale de Temps Vrai est restée bien visible ; des dimensions réelles possibles ont été proposées dans ‘’Vincentiana n°5’’ (édition d'octobre 2009) et nous les avons
reprises dans le paragraphe précédent.
En ce qui concerne le deuxième cadran évoqué par Paul Gelineau, situé sur la façade Sud, il aurait été réalisé au XVIII
es. Après examen desSaint vincent agrandissements, nous avons pu obtenir une image suffisamment claire qui nous prouve bien la présence d’un deuxième cadran à l’Abbaye Saint-Vincent.

  • Par qui a-t-il été construit ? Nous proposons un éventuel raisonnement :
  • Sur la façade du XVIIIe, les Mauristes auraient-ils installé un autre cadran solaire correspondant davantage à l’analyse du Temps de cette nouvelle époque ? Pourquoi pas ? En 1777 à l'abbaye Saint-Pierre de La Couture du Mans ou en 1765 (déjà) à l’abbaye de Saint-Denis, les cadrans réalisés sont des cadrans avec œilleton et courbes en forme de 8. Or, si l’on agrandit fortement la photo de la façade sud, on découvre bel et bien un style-axe assez imposant et assez élégant se projetant sur une table.
  • L'auteur : nous n'avons pas encore trouvé de documents à ce sujet, mais nous avons pensé tout de suite à Dom Bedos de Celles, qui est présent au Mans en 1760, 1761, 1762 selon les lettres de Dom Colomb. L’ensemble est bien dans l’esprit du XVIIIe s. : Dom Bedos, dans la ‘’Gnomonique Pratique de 1780’’, écrit : Les méridiennes font devenues fi fréquentes depuis quelques temps que nous avons cru faire plaifir au Public de traiter cette matière affez en long.

La construction des bâtiments conventuels à l'abbaye Saint-Vincent du Mans s’étale de 1685 à 1758 :

  • À partir de 1685 les moines mauristes décident de reconstruire tM st vt aubergeout l’est de l’abbaye. De 1685 à 1690, ils vont construire une salle promenoir de 25 m de long au-dessus de laquelle ils élèvent trois étages destinés à abriter les cellules et la bibliothèque de l’abbaye. À l’extrémité de la grande salle ils édifient un escalier à caissons.
  • En 1725 les travaux reprennent à Saint-Vincent, mais cette fois il n’est plus question de renoncer au style du XVIIIe siècle. Les Mauristes, au Mans comme dans toute la France, s’affranchissent de l’austérité demandée dans la règle bénédictine, mais si l'on a pu parler de palais pour les moines c’est pour l’essentiel l’ampleur des bâtiments qui l’explique.
  • Dom Bedos arrive au Mans après l'édification de la façade sud et il a pu y faire installer ce cadran.
  • Par ailleurs, n'est-il pas intéressant de remarquer que, à proximité de l'abbaye, est bâtie au XVIIIe siècle, une auberge nommée : "auberge du cadran bleu" ? Or, Dom Bedos écrivait, à propos de la couleur à donner à la table du cadran solaire, : "il convient que ce soit un bleu clair de la même couleur que le ciel dont le cadran est la représentation"...
                                                                                      
    Extrait du Plan Verdier

    Il semble de plus en plus probable que l’avant-corps de la façade sud de l’Abbaye Saint-Vincent comportait un cadran solaire, disparu avec le ravalement de la seconde moitié du XXe s.

                                                                       

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Date de dernière mise à jour : 16/11/2021