Saint-Georges-du-Rosay
Église Saint-Georges
Cette horloge Gourdin de 1896 est conservée dans un petit musée au sein de l’église. On y trouve également les restes de la première horloge, bois et fer, de 1624, ainsi que le premier cadran peint sur bois. Photos Paul Deciron et André Olivier
Comment se traitait l’achat d’une horloge, en vue de son installation ?
À Saint-Georges du Rosay, dans sa séance du 11 octobre 1896, le conseil municipal, après en avoir délibéré, émet l’avis que la commune achète une autre horloge neuve et, comme il existe dans le département un fabricant de grosse horlogerie, que cette horloge soit achetée chez M. Gourdin à Mayet. L’horloge sonnera, comme celle qui existe, sur la grosse cloche de l‘église dans le clocher. Ce qui nécessite tant pour l’installation que pour l’achat de l’horloge, une somme de quatorze cent dix-sept francs sans compter les frais imprévus […] "Cet achat est devenu presque indispensable, vu l’usure de l’horloge existante et la nécessité pour la commune d’avoir une heure juste à cause du passage du tramway". Tout se tient durant cette période.
La maison Gourdin répond dans une première lettre ; et détaille les renseignements à fournir. Le poids de la cloche sur laquelle l’horloge doit sonner, en est un élément primordial, les mécanismes étant proportionnés à l’effort à vaincre pour lever un marteau en rapport avec la pesanteur de la cloche et la faire vibrer parfaitement. Il détermine le N° du tarif dont il faut faire choix. Plus la cloche est pesante plus le marteau doit être lourd et les mécanismes puissants. Pour établir le devis positif d’une horloge toute complète, il est indispensable de posséder les renseignements ci-après :
1- la durée de la marche de l’horloge (30 heures ou 8 jours).
2- le genre de sonnerie, heures et demies à répétition.
3- le poids de la cloche ou des cloches ; à défaut de la pesanteur, indiquer le diamètre pris au bas.
4- le diamètre et la matière du cadran.
5- la hauteur verticale dont on peut disposer pour le parcours des poids.
6- autant que possible, envoyer un petit plan coté indiquant les dispositions intérieures et extérieures du clocher, planchers, beffroi, cloche, la position du cadran ainsi que la desserte des poids.
Afin d’étudier les meilleures conditions pour l’établissement d’une horloge, un voyage préliminaire est très utile. « Sur le désir du client l’un de nous se rendra dans la localité pour visiter l’emplacement, donner tous les renseignements nécessaires et établir le devis positif de l’horloge toute complète. Si le marché n’a pas lieu, nous n’exigerons comme indemnité que les frais du voyage et nullement l’emploi de notre temps. Nous prendre et nous ramener à la station la plus rapprochée. Nous garantissons la marche régulière de toutes nos horloges pendant dix ans et indéfiniment de tout vice de construction. Nous accordons dix ans de crédit en vous tenant compte d‘un intérêt de 4% avec facilité de se libérer par à comptes et à la volonté de la Commune. »
La commune de Saint-Georges va donc acheter une horloge N° 9 du catalogue. Elle peut parfaitement faire vibrer la grosse cloche de 800 à 1000 kg, alors que la N° 8 serait de puissance insuffisante. « Le châssis sera horizontal monté sur quatre pieds, toutes les roues seront en cuivre écroui engrenant avec des pignons en acier trempé poli ; les pivots rouleront sur cuivre dans des coussinets montés à vis sur le châssis, l’échappement sera à chevilles avec levées en acier trempé, la tige du balancier sera en en sapin du nord, un mécanisme spécial permettra de mettre à l’heure minute par minute les aiguilles du cadran sans déranger la marche des rouages ».
Cette horloge, qui se remontera chaque jour, sonnera les heures et les demies sur la grosse cloche de 1100 kg. Signalons également que tous les travaux de maçonnerie, menuiserie, supports scellements, charpenterie, échafaudages, barres de sécurité pour garantir la cloche de tout accident par le marteau ; transport de l’horloge de Mayet à Saint-Georges-du-Rosay et l’enregistrement du marché, sont au compte de la commune.
Des phrases intéressantes sont à relever dans ce contrat :
- La première confirme tout d’abord la nécessité de connaître une heure juste comme le demande le préfet en 1839. Il s’agit d’un élément devenant indispensable avec le nouveau moyen de locomotion qui bouleverse les campagnes : le tramway. Ce dernier permet d’ailleurs à l’entreprise Gourdin de pouvoir assurer des expéditions plus rapides et confortables en Sarthe et dans les départements voisins.
- La deuxième concerne la fréquence des remontages des poids indispensables à l’entraînement des mouvements. C’est une des premières constatations que j’ai faites dans la recherche des horloges anciennes du département : l’état des marches qui y mènent.
Qu’elles soient en bois dans les échelles, ou en pierre, leur usure annonce déjà un peu la fréquence des remontages. Ce qui n’est pas un critère absolu car il dépend également de la qualité du matériau ! L’aspect d’une érosion importante des marches nous indique la fréquence de l’utilisation une fois par jour de l’escalier ainsi que la qualité du matériau. Mais malgré mon appréhension, je devais obligatoirement me rendre sur le plancher en bois où était posé l’objet de mon enquête. Ces escaliers, qui conduisent difficilement à l’horloge même, sont toujours pour moi et de plus en plus (le temps sans doute) des moments d’appréhension, physique à la montée, et parfois de joie à la découverte de l’Objet.
Face à moi enfermée dans son armoire en bois se cachait le Mystère. Puis ouvrant les portes, sur chacune d’elles… une affiche. Souvent les armoires des horloges Gourdin étaient accompagnées de petites affichettes expliquant l’entretien nécessaire au bon fonctionnement du mécanisme, ici…
… un "plaidoyer’’ Républicain ! Sur la première : "Je ne veux pas mourir sans avoir carillonner la Marseillaise.’’ Sur la seconde : "Je ne veux pas mourir sans mettre mon nom pour avoir monté l’horloge de temps en temps pour obliger mon camarade’’
Affiches sur la porte de l’armoire
Photos André Olivier
Les armoires en bois, souvent en chêne ou en sapin, sont protectrices des horloges bien sûr, mais elles peuvent parfois cacher des trésors de lectures ou d’informations. Le préposé, sacristain ou simple homme de bonne volonté de la paroisse, se sent « là-haut » chez lui, tranquille à l’abri des regards de ses supérieurs. Il pense laisser à l’histoire ses ressentiments sur des évènements qui le concernent ou simplement des faits divers de la commune. Ici commence parfois la petite histoire :
« Je ne veut pas mourir sans avoir carilloner la Marseillaise sur les cloches dans ce clocher L. Trouillet
La Famille Trouillet a comencér l’année 1897 a monter l’horloge Finit en 1934 »
Mais un autre compère, lui aussi, précise son attachement à son camarade, et annonce des faits divers :
« Le Père Lapin est né en 1847 il a fait la campagne de Prusse en 1870 fait prisonier de guerre a Sedan décédé le 21 décembre.
Signé Normand
Je ne veux pas mourir sans mettre mon nom pour avoir monté l’orloge de temps en temps pour obliger mon camarade. Signé Normand dit Lapin »
J’imagine chacun de ces deux paroissiens préposés à l’accomplissement de cette besogne coutumière, songeant déjà à sa postérité ! Là-haut dans le calme et à l’abri des regards ils ordonnent la vie journalière à la population et deviennent alors comme des personnages officiels, ils ont une ‘’fonction’’ ; comme le Garde-Champêtre ! Alors qu’en bas… Ils deviennent des personnes ordinaires… le quidam !
Ils n’auront aucune médaille, voici leur propre vengeance.
Comme dans bien des villages, nous l’avons vu ici à Saint-Georges-du-Rosay, le curé employait un bedeau pour l’aider dans ses tâches matérielles.
Il en était ainsi au Mans où en 1993 M. Jean-Claude Le Roy, serrurier à la mairie, était chargé de l’entretien de l’horloge de la Visitation. Voici la description qu’il en donne : « une nouvelle échelle appelle à continuer l’escalade. Ses barreaux mènent aux cloches. Elles sont quatre à surplomber la ville, fondues au siècle dernier par deux entreprises sarthoises (Bollée et Gourdin) elles résistent avec stoïcisme aux intempéries pour annoncer tous les quarts d’heure la marche inexorable du temps Il faut, tel un équilibriste franchir chacune des étapes. Le boulot est passionnant, mais il faut avoir la santé. » Cette narration me rappelle l’anecdote des marches de l’église de Saint-Georges du Rosay !
Date de dernière mise à jour : 18/11/2021