Vaulogé

Château de Vaulogé -- du cadran solaire à l’horloge mécanique --

(Extrait de la revue « Maine Découverte N°69)

Le décompte de l’heure est partout dans nos vies accélérées. À nos poignets, bien sûr, mais aussi dans nos voitures, près de nos lits, sur nos fours et même sur nos cafetières !
Il n’en a pourtant pas toujours été ainsi. La nature et son soleil chaperon rythmaient la vie des hommes avant que certains d’entre eux s’appliquent à matérialiser le temps grâce à des mécaniques de plus en plus sophistiquées.

H vauloge kervella 1

Si le cadran solaire fut pour moi un silencieux et délicieux conteur du temps, je n’oublie pas qu’il en fut également, historiquement, le régulateur indiscutable durant la mise au point des horloges mécaniques. Le hasard voulut un jour, lors d’une visite au Château, que cette étroite connivence fut matérialisée grâce à la découverte, à l’intérieur de la cage même d’une horloge, de la présence d’un très grand style-axe en métal, provenant d’un cadran solaire voisin disparu. Ce témoin d’un passé presque inavouable s’était laissé piéger. La pendule mécanique ingrate avait triomphé et abandonné son guide.

Nous sommes au Château de Vaulogé, et plus particulièrement à la chapelle seigneuriale familiale Saint-Henry. Blottie le long d’un plan d’eau alimenté par la Gée, elle est le fruit de nombreuses reconsH vauloge 3tructions H vauloge 2depuis le XVIe siècle. Le cadran solaire étalon pouvait se situer sur un bâtiment voisin bien exposé au soleil, les dernières transformations ne nous permettant plus d’être affirmatifs quant à sa localisation. La tige métallique qui nous est parvenue, est accompagnée d’un œilleton qui augmentait la précision de l’ombre portée et permettait de mieux apprécier sur la table le moment du midi. Ajoutons que le toit de la chapelle est surmonté d’un élégant campanile abritant une petite cloche vénérable, sur laquelle un marteau actionné par l’horloge sonne les heures !
Nous avons là un ensemble idéal de ponctuations du temps.


La liaison était faite :
j’avais le style du cadran solaire, l’horloge mécanique, et la cloche pour annoncer l’heure.

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Nettoyage et Remise en place, après réparations 1997, (MM. Brier et Lambert)

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L’ensemble fait penser à un décor de poupée.

 

 

 

 


Monsieur Brier
, ancien horloger de la Fontaine-Saint-Martin, avait remis en état cette horloge. Il allait devenir mon mentor grâce à la description qu’il m’en fit :
« L’horloge est entièrement en fer, elle mesure 0,50 de haut, 0,45 de long et 0,36 de large. Quelques traces peuvent laisser supposer qu’elle a été transformée et qu’à l’origine c’était un échappement à foliot. Elle est munie d’un échappement à verge et roue de rencontre actionnant un pendule suspendu par une cordelette. Il y a deux sortes de pignons : pour le mouvement ils sont taillés et pour la sonnerie ils sont “lanternés”. Les rouages tournaient dans le fer, sans aucune garniture. Au cours des réparations successives, afin de réparer l’usure, il a été mis des bouchons de laiton. Le mécanisme fait tourner une seule aiguille, qui met douze heures pour faire un tour de cadran. Ce détail indique que l’horloge est ancienne : au début on a imité le cadran solaire qui lui n’avait qu’une seule aiguille. Aucun moyen de mise à l’heure n’a été prévu, il faut attendre l’heure indiquée au cadran pour mettre l’horloge en marche. Le pendule ayant été appliqué aux horloges vers le milieu du XVII
e, par Huygens, on peut dater cette horloge, dans son état actuel, de la seconde moitié du XVIIe, par contre l’aiguille unique ramène à une époque antérieure. Le mécanisme de sonnerie à roue de chaperon actionne un marteau qui frappe sur la cloche toutes les heures. C’est un mécanisme sans délai, la sonnerie part dès que la goupille d’arrêt est dégagée. Inscription relevée sur la cloche : VOLOGER 1580 DE BONNE HEURE ».

Cette petite horloge discrète est protégée par une armoire étroite, avec deux portes exiguës, opposées ; le fond est agrémenté d’un fronton style Louis XV, la balustrade, la frise, les pinacles, sont dans l’esprit troubadour de Viollet-le-Duc et de Delarue.

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L’on y accède par un escalier de meunier aux larges marches. L’ensemble fait penser à un décor de poupée.
Son mécanisme n’est pas souvent remonté, aux dires de notre hôtesse, qui précise que cette horloge sonne bien les heures, et demi-heures, mais que son signal sonore n’ose pas l’empêcher de dormir !

Est-il besoin de connaître l’heure en permanence dans ce lieu paisible où aucun bruit en cette matinée ensoleillée, ne vient distraire nos interrogations ?

 

Nous sommes encore au temps du cadran solaire,
moments de félicité !!!

 


 


Réglages des Horloges selon dom Bedos (Chapitre XI Gnomonique Pratique)

« Si la pendule ou l’Horloge se trouvent éloignées de l’endroit où est la méridienne, on se servira d’une Montre que l’on mettra à l’heure à l’instant de midi sur la méridienne ; et lorsque l'on sera revenu, on mettra la Pendule ou l’Horloge sur l’heure où la Montre se trouvera ; ce qui convient de faire au plutôt. Si l’on veut une plus grande exactitude et que la méridienne ne se trouve pas trop éloignée, on conviendra d’un signal, comme un coup de pistolet ou autrement ; aussitôt que celui qui sera au-devant de la méridienne, voyant arriver l’instant de midi, se fera fait entendre, on mettra sur le champ l’Horloge à l’heure.
Mais il faut observer que si depuis la méridienne jusqu’à la pendule, il y a 180 toises d’éloignement, le son demeurera à peu près une seconde à parcourir cette distance ; ainsi il faudra avoir égard à ce retardement. S’il y a 360 toises d’éloignement, il faudra avancer la Pendule de deux secondes. »

Amusante et peut-être "dangereuse", cette démonstration de Dom Bedos sur le réglage des horloges et pendules devenu déjà nécessaire à la fin du XVIII
e siècle. Notre moine apparaît ici comme un précurseur pour en évoquer la nécessité.

Après cette manière de mettre à l’heure les horloges, nous découvrons en 1926 dans l’Horloger rhabilleur (éditions de l’Encyclopédie Roret, Paris), une autre proposition :
De manière de régler et de conduire les pendules

« Il faut opérer un peu par tâtonnements, toutefois la règle suivante simplifiera beaucoup la manière d’opérer.
On met la pendule donnée sur l’heure d’une pendule réglée, ou même encore avec le méridien. On observera sa variation en vingt-quatre heures. Je suppose qu’elle ait avancé de trois minutes. On tournera l’écrou en avant de dix divisions environ, s’il est gradué ; s’il ne l’est pas on le fera tourner d’un quart de tour en avant. On remet de nouveau la pendule à l’heure, et on observe vingt-quatre heures après. Si elle avance encore, d’une minute par exemple, cela indiquera que la correction faite ne correspond qu’à un retard de deux minutes en vingt-quatre heures, et apprendra de combien il faut tourner cet écrou pour obtenir une correction donnée. Aussi, dans le cas actuel, on aura plus à avancer l’écrou que de cinq divisions ou un huitième de tour. »

 Encyclopédie RoretH encyclopedie roret

La proposition de Dom Bedos procède d’une étude plus complexe à la suite d’une série de 5 tables concernant les Obfervations fur la manière de régler les Horloges (Édition 1780).

Mais il faudra d’abord mettre en exergue la page 366 :

« Si la pendule ou l’horloge se trouvent éloignées de l’endroit où se trouve la méridienne, on se servira d’une Montre que l’on mettra à l’heure à l’instant de midi sur la méridienne ; et lorsqu’on sera revenu ce qui convient de faire au plutôt. Si l’on veut une plus grande exactitude et que la méridienne ne se trouve pas trop éloignée, on conviendra d’un signal, comme un coup de pistolet ou autrement ; aussitôt que celui qui sera au-devant de la méridienne, voyant arriver l’instant de midi, se fera fait entendre, on mettra sur le champ l’Horloge à l’heure. »

En comparant ces deux exposés sur des méthodes expliquant la manière de régler et conduire les horloges, il apparaît que celle de Dom Bedos au château de Vaulogé est plus tonitruante. Mais que certains termes y voient déjà le jour bien avant celle de L’Encyclopédie Roret.


Tout ceci me rappelant les phrases d’un de ses confrères :
"Dom Bedos, que j’ai connu, était l’homme le plus modeste. Son ouvrage est ce que nous avons de mieux dans ce genre ; mais il tombe dans l’inconvénient de ses prédécesseurs ; un homme qui ne scait point de Mathématiques ne le comprendra jamais et il fera mieux s’en tenir à la méthode graphique".

Lier le Temps Vrai du soleil et le Temps mécanique issu d’une invention humaine, voici le problème !

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Date de dernière mise à jour : 26/11/2021