Le Mans-Abbaye de l'Épau

Les « restes » de ce cadran, soulignés lors d’une précédente réfection de la façade, ne correspondaient pas aux exigences gnomoniques de sa situation. Le style n’était plus dans sa position angulaire adéquate et les lignes horaires gravées dans l’enduit s’en trouvaient erronées.

Epau 1
Fallait-il remettre en place un cadran gravé dans sa plus simple expression, en s’inspirant de l’austérité de l’ensemble des bâtiments ? Ou puisque nous étions sur une partie du XVIII
e, confectionner un cadran plus imposant, avec décors, digne de "l’Abbaye de l’Epau’’ que nous contemplons maintenant ? Nous avons, Monsieur Latron et moi, choisi cette dernière approche.

J’ai gardé une continuité d’esprit, en introduisant un soleil éloigné venant de « la nuit des temps » et rappelant la Genèse : « Dieu fit les deux grands luminaires, le grand luminaire pour présider au jour, le petit luminaire pour présider à la nuit … Il y eut un soir, un matin quatrième jour ».  Ceci permet de conserver la présence cistercienne des débuts de cette Abbaye dans son plus pur dépouillement, lumière douce et continue, en utilisant les quelques phrases du Père Niaussat :
« Comme si chaque jour est une nouvelle création du monde pour celui qui veut avoir le courage de regarder en face le soleil de sa propre vie ». 
Le Soleil se détache sur un fond plus clair l’entourage étant dégradé pour rejoindre un brun plus foncé sur le cadre.

Plus en avant
un décor XVIIIe qui marque la transition d’époquRh- epau 2es, avec rideaux plus foncés soutenus par des colonnes ioniques qui s’inspirent des deux lucarnes du bâtiment. Puis dans cet ensemble la table même du cadran avec ses rayons issus du soleil, plus foncés, vecteurs de Foi et de Vie, qui indiqueront les heures.
La
forme serpentaire du style en métal est très intéressante, c’est pourquoi il fallait le conserver malgré son mauvais état. L’ombre qu’il engendre va parcourir la table, le matin dans sa partie gauche, sa forme ondulée, hésitante, silencieuse, va s’enrouler sur chaque ligne horaire, la tête marquera l’Heure. Puis l’ombre du serpent de moins en moins sinueuse, deviendra une ligne droite à midi solaire puisque soleil et style seront dans le plan du méridien de l’Épau. L’ombre reprendra une forme sinusoïdale pour s’agrandir constamment durant l’après-midi, jusqu’à s’étirer au-delà de V heures et disparaître dans les ténèbres. Remarquons la différence d’intensité sur la table entre le serpent toujours plus gris incertain, fluctuant, et la ligne horaire qui reste invariable et nette.

Photos Paul Deciron

 

 

 

En aparté

L’abbaye royale de l’Épau recèle bien des mystères

« Ici se rencontrent différentes sciences, comme l’histoire, l’archéologie, la restauration au laser… »

Il baigne comme une douce lumière qui tombe des vitraux de la grande rosace. Le gisant de la Reine Bérengère trône dans l’église de l’abbaye royale de l’Épau, à Yvré-l’Évêque aux portes du Mans. Son visage de pierre est fixé pour l’éternité à l’âge de 30 ans. Cette abbaye, c’est elle, Bérengère de Navarre, reine d’Angleterre et veuve de Richard Cœur de Lion, qui l’a fondée en 1230, pour y être inhumée.
Mais où ?

Caroline Meynerol, chargée de la communication de l’abbaye, note que le gisant a été déplacé au moins huit fois, après le départ des moines cisterciens, chassés par la Révolution. Transformée en blanchisserie au XIXe siècle, l’abbaye devient ensuite une ferme, ses bâtiments des étables. La Wehrmacht y stocke ses véhicules pendant la Seconde Guerre mondiale, quand le conseil général de la Sarthe le rachète en 1959, elle menace ruine. L’année suivante des fouilles mettent au jour un caveau et le squelette d’une femme inhumée en des temps fort, forts lointains. Le pourtour de son crâne porte des traces verdâtres… Laissées par une couronne ? La découverte divise les historiens, qui depuis sont tombés d’accord : la dépouille n’a rien de royale.
En 2019, d’autres fouilles sont menées dans l’abbatiale où, en toute logique, doit reposer Bérengère. Une tranchée balafre des dalles, près du chœur. « On a toujours espoir. Creuser ici, c’est un pari », confie alors un archéologue. Perdu ! La reine se dérobe encore.Aparte epau n 1
L’enquête se poursuit. Mais en laboratoire à Caen, sur des fragments d’os prélevés dans le socle du gisant. « On attend les résultats. Mais il sera difficile de savoir à qui ces restes appartiennent », anticipe Léa Deltreuil, médiatrice du patrimoine.
Des mystères, le vaisseau en a plein ses cales. Mystères que des travaux de restauration et d’étude s’échinent à dissiper. « Un monument historique est un chantier permanent qui se dévoile petit à petit », observe Bruno Caro, directeur du service culturel de l’abbaye.

Les fouilles se poursuivent

Parmi les dernières découvertes, une fresque polychrome, rouge, bleue, jaune, dans l’abbatiale. Très haut perchée, invisible depuis le sol. Ici se rencontrent différentes, comme l’histoire, l’histoire de l’art, l’archéologie, la restauration au laser, la numérisation 3D. De leur dialogue émerge la vérité. On rectifie, on affine nos connaissances

(Extraits de l’article de Ouest-France du 27 juillet 2023. Texte Julien Belaud, Photos Franck Dubray )

 

 

 

 

 

 

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Date de dernière mise à jour : 10/12/2023