Saint-Georges-du-Rosay

Un cadran solaire gravé sur un contrefort de l'église

Rh cadran solaire saint georges du rosayIl est toujours agréable de pouvoir lier quelquefois le patrimoine local avec des éléments empruntés à notre « Histoire de France », ils sont les "condiments" qui peuvent mettre en valeur certaines narrations. C’est un peu cette démarche que j’aurais voulu parcourir en commençant cette recherche sur les Cassini en Sarthe.
Dans sa lettre du 19 novembre 2001, Monsieur Pinson, maire de Saint-Georges-du-Rosay, me demandait d’intervenir afin que l’Association pour la mise en valeur du Petit Patrimoine Sarthois, s’intéresse au cadran solaire gravé sur un contrefort de l’église.
Ce que nous fîmes.


    cadran vertical gravé et peint sur pierre (photo Gérard Bouvet)

Mais il ajoutait :
« Je trouve opportun de vous rappeler l’existence de ce témoin de la gnomonique. D’autant plus que trois générations de la célèbre famille des Cassini ont été ici même à St Georges, propriétaires d’un petit domaine ».
Cette deuxième partie allait dès l’abord, exciter une curiosité irrationnelle. En même temps, la fourniture de 25 photocopies d’actes notariés dont 21 comportaient le nom de Cassini, m’obligeait à poursuivre une investigation
(Extraits du n°804 de Sciences et Arts de la Sarthe).

  Les Cassini

Il n’est pas question de vouloir refaire maintenant une étude généalogique sur cette grande famille. Ce sujet a été traité amplement par des spécialistes éminents de l’Observatoire de Paris, ou dans des universités étrangères. De nombreuses pages consacrées aux Cassini sont publiées sur Internet. J’ose seulement ajouter ici un chapitre assez étroit sur des possessions de fiefs de cette famille en Sarthe. Les documents qui m’ont été confiés vont de 1723 à 1824 et sont de bonne conservation.
Pour nous remémorer cette période rappelons-nous en quelques grands traits : Colbert fait venir Cassini en France en 1669, il faut, pour Louis XIV, avoir l’élite de la pensée, particulièrement dans le domaine scientifique. Après la création de l’Académie des sciences, et le début de la construction de l’Observatoire de Paris ; il est nécessaire d’attirer « tout ce qu’il y a de beau en Italie ».

Le seul nom de Cassini évoque tout de suite pour nous, l’Astronomie et bien sûr la cartographie, ainsi que les différents épisodes de son établissement avec les points de triangulation à travers toute la France dans les années 1780. L’habitude a été prise, pour donner un peu de clarté chronologique dans la dynastie de ces astronomes, de joindre un chiffre au nom. Tous sont liés à l’Observatoire de Paris depuis 1672. Cassini I Jean Dominique de 1672 à 1712, Cassini II Jacques de 1712 à 1756, Cassini III César-François dit Cassini de Thury de 1756 à 1784, Cassini IV Jean Dominique à partir de 1784 jusqu’en 1793. Cassini III, étant le premier en 1771 à être nommé par Louis XV Directeur de l’Observatoire.

Cassini I Jean Dominique est né à Perinaldo dans le Comté de Nice (Italie) le 8 juin 1625.
Après de nombreuses observations astronomiques effectuées en Italie à l’Université de Bologne, ses observations de Mars, tables et éphémérides des satellites de Jupiter, étude des mouvements de Vénus et de Mars… sa renommée scientifique amène Colbert dès 1668, à l’inviter en France pour participer aux travaux de la nouvelle Académie Royale des Sciences et ceci pour une période limitée.

                     
Genovefa de Laistre
Le jeune astronome se Photo delaistreplait chez nous, les conditions financières qui lui sont proposées sont intéressantes bien sûr, mais en plus, en novembre 1673, Gian Domenico Cassini épouse Geneviève de Laistre, née à Clermont (Oise) en 1643. Fille de défunt Pierre de Laistre, écuyer, Conseiller du Roy et lieutenant général du bailliage de Clermont. Elle apporte en dot un certain nombre de biens de valeur importante dont le château de Fillerval à Thury dans l’Oise, la veuve de Pierre de Laistre, Anne Durand, ayant fait le partage des biens de son mari entre ses sept enfants : Jacques de Laistre, écuyer, Paul de Laistre, écuyer seigneur de Partenille, Catherine de Laistre, Magdelaine de Laistre, veuve de Messire Paul Volant seigneur de Léglantiers,  Geneviève de Laistre épouse de Cassini, Marguerite de Laistre et Agnès de Laistre religieuses à la Visitation de Blois.
De ce mariage sont nés deux enfants :
Jean-Baptiste (mort en 1692) puis Jacques né à Paris en 1677.

Photo armes des delaistre

Nous distinguons, en relief sur le bas du « cartouche » de ce tableau un livre ouvert avec les armes des Cassini et des de Laistre. Cassini "d’or à la fasce d’azur accompagné de 6 étoiles à 6 rais du même, 3 rangées en chef et 3 en pointe, posées 2 et 1". Et pour les de Laistre "d’azur au chevron d’or accompagné de 3 cygnes d’argent", ce qui correspond à la branche des de Laistre de Fontenay.
                              armes des Cassini à gauche et des de Laistre à droite

Les Cassini et Saint-Georges-du-Rosay

Les différentes pièces
Je maintiendrai l'orthographe pour les termes employés tels que je crois les saisir dans les actes qui m'ont été confiés. Nous aurons ainsi une suite de 5 actes du 8 et 10 juin 1723 où des propriétaires (un gentilhomme, deux bordagers, deux laboureurs) qui se situent dans la censive du fief bursal de Monseigneur messire Jacques de Cassini, avouent et déclarent les propriétés ou les terres roturières qui dépendent de la seigneurie pour laquelle ils paient le cens.
Acte de 1723
Dans un premier acte De déclaration des choses au fief bursal de Baudouin
:
Acte de 1723Déclaration des Choses Héritaux que nous Corbin, Louvet et Launay 
Ces trois personnes…
avouent tenir de Vous Monseigneur messire Jacques de Cassigny Chevalier Seigneur de Thury Conseiller du Roy maistre ordinaire de sa Chambre des Comptes a paris tant pour vous que pour Messeigneurs et dames vos Collegataires de deffunt pierre de Laistre escuyer Sieur du Clouzeau Seigneur du fief boursal de baudouin situé paroisfe du dit St Georges Seavoir est le lieu du bordage du grand Baudouin en ce qui nous en appartient consistant en une maison avec bouge et Chambres Granges Estables et jardin le tout en un tenant contenant trois quarts de journées ou environ joignant d’un costé a bout a vos terres et aux terres du lieu de la foutinniere, d’autre costé au chemin de la Miloudiere à Guerpanniere l’autre bout le chemin de la foutinière au mesnil…


Puis nous avons une description des différentes pièces de terre avec leurs superficies, leurs situations géographiques par rapport aux chemins et aux lieux-dits. Elle constitue une approche topographique de cette région, mais surtout permet de localiser les lieux que nous chercherons sur la carte dite de Cassini. Nous retournerons à un passage des coutumes du  Grand Perche et au cheval de service.

 

Que dit la coutume ?
Cheval de fervice eft deu en chafcune mutation d’homme, & n’eft tenu le vassal, iceluy payer que après la foy & hommage par luy faicts. Et eft ledict cheval de fervice eftimé à la fomme de foixante fols, un denier tournois. En payant laquelle fomme le vaffal en eft quitte. Toutefois n’eft deu le dict cheval de fervice pour renouvellement de foy…

Acte de 1724
Aveu de Jacques de Cassini au Seigneur de Saint Georges
Mais si Jacques de Cassini perçoit le cens sur ses fiefs, il est redevable lui-même au seigneur de Saint-Georges-du-Rosay pour le fief de la Miloudière et celui de Baudouin.

Dans un acte du vingt sixieme jour doctobre mil sept cens vingt quatre, les déclarations des choses au fief bursal par les différentes personnes héritaux : Corbin, Louvet, Launay entre autres… vont être énumérées et avouées dans la vassalité du seigneur de Saint-Georges.

Devant Messeigneurs Messire Gabriel René de vimeur de Rochambeau prestre Curé de St Georges du Rosay et Messire francois Gaspard de vimeur de Rochambeau Capitaine des vessaux du Roy… Messire Jacques de Cassini Chevallier Seigneur de Thury…Tient et advoue tenir sous deux foyes et deux hommages simples accause de vostre Seigneurie de St Georges du Rosay. Les choses heritaux qui sensuivent  Et premier sous lun deux hommages de mon lieu de la Miloudière scittué en la paroisse de St Georges Et pour Lautre hommage Le fief boursal de Baudouin.

Fief boursal ou bursal
Essayons de donner une interprétation à ce terme que nous rencontrons dans la majorité des actes. Dans l’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert le Fief boursal « est une portion d’un fief que l’aîné donne à ses puînés » ou une rente sur la seigneurie par lui créée en leur faveur. Dans le dictionnaire historique de l’ancien langage où est citée la coutume du Grand Perche le fief boursal est défini comme « portion du fief appartenant aux puînés lesquels s’appellent boursaux ». Et les frères puînés ?… Dans la coutume du Perche « Nous appelons frères puisnez ceux qui sont nez après leurs aisnez, et par adventure nous pourrions appeler non improprement puisnez ceux qui sont nez après le decez de leurs peres qui furent appelés par les Romains posthumes ». Les héritages tant féodaux que roturiers, cens, rentes, et tous immeubles se partagent entre l’aîné et les puînés mais s’il y a plusieurs puînés, l’aîné noble ou ses représentants en aura la moitié et l’ensemble des  puînés l’autre moitié. Ces fiefs produisaient des revenus au seigneur qui possédait les titres des censives, mais cet impôt supplémentaire à tous ceux déjà existants, entraînera un mécontentement des assujettis.

Leur exemption
Je relève dans les Affiches du 16 janvier 1786 : de la ville de Bellême, de Berthereau Lieutenant Général du Grand Perche au Baillage de Mortagne député de cette ville, une déclaration du 23 septembre 1784 a exempté du droit de Francs Fiefs dans l’étendue de la coutume du Grand perche les terres hommagées connues sous la dénomination de Fiefs bursaux. Cette loi juste et bienfaisante, en déchargeant d’un tribut onéreux les deux tiers et des biens fonds de cette province en auPlaque de bellemegmente au moins d’un quart la valeur intrinsèque. Elle est particulièrement due aux soins de MM le Chevalier de Fontenay député.
"Leurs savants mémoires ont jeté le plus grand jour sur une question qui n’avait jusqu’alors souffert de difficultés que parce qu’elle avait été mal entendue et qu’elle n’avait pas été traitée à fond et dans l’esprit de la coutume du Grand Perche. Le retour de ces généreux citoyens dans leur pays fut signalé par l’allégresse publique chacun d’eux reçut les compliments du clergé de la Noblesse et de tous les ordres de leur ville respective et des environs. Les habitants du Grand Perche ont de plus voulu que l’expression de leur reconnaissance à la postérité la plus reculée à l’aide d’un monument élevé de l’agrément de Monsieur Frère du Roi dans chacune des salles d’audiences de Bellême et de Mortagne".
  
                                                                           Plaque. Salle du Conseil Municipal. Bellême        

Messire Jacques de Cassini tenait-il ses obligations ?
On pourrait en douter, car dans un document daté du vingt-huit avril mil sept cens vingt-trois, le procureur fiscal réclame vingt-neuf années d’arrérages de cens et rentes.
Extrait des registres, greffes et remembrances de la haute justice, fief et seigneurie de Saint-Georges-du-Rosay :

Entre le procureur fiscal de cette seigneurie, demandeur par exploit de Roquain, huissier roial, des six et sept du pnt (=présent) mois d’avril mil sept cens vingt trois, controllé à la Ferté-Bernard le septième dud. mois, à ce que les deffendeurs sujets et vassaux cy après soient condamnéz exhiber les tiltres vertu desquels ils possèdent les héritages estans en la mouvance de cette seigneurie, faire foys et hommages pour les héritages hommagéz, rendre par aveus et dénombrement, paier les rachapts, chevaux de services, tailles et autres droits dus suivant la coutume, rendre par déclaration les choses censives, paier vingt neuf années d’arrérages de cens et rentes, corvées et autres devoirs seigneuriaux, les continuer à l’avenir avecq les ventes sy avenues sont d’en levé le tout en argeant ou quittances valables en l’amande de coutume et aux despens d’une part, Et les propriétaires des lieux et métairies de la Miloudière et Baudouin, deffendeurs d’une part.
A l’appel de la cause, est comparu Mre Jean Moriceau, notaire roial au Maine, en la résidence de Bonnetable, lequel vertu de sa procuration de
Messire Jacques Cassigny chevallier seigneur de Thury, conseiller du roy, Mre ordinaire en sa chambre des comptes à Paris, passée devant Remond et Demoron notaires au Châtelet de Paris le vingt un avril mois courant deuement en forme scellée et controllée ; et estant en posture de vassal suivant la coutume, a pour ledit Sr de Cassigny tant en son nom en qualité de légataire universel en partie de deffunt Mre Claude de Laistre, escuier gentilhomme ordinaire de la vennerie du roy, que comme se faisant et portant fort de dame Anne Rolland espouze de Messire Allexandre de Chauvenet (ou Channenet), chevallier seigneur de Leydin, aussy légataire universel pour partie dudit sieur de Laistre ; et encore de dame Marie Agnesse Rolland, espouze de Messire François Chevallier, seigneur de Vaudetart, légataire pour l’autre partie ; offert faire et jurer à Messeigneurs en la présence du procureur fiscal deux fois et deux hommages simples. La première pour raison de partie du lieu de la Miloudière situé en cette paroisse de St Georges en tant et pour tant qu’il y en a de rellevant à la ditte foy et hommage. Et la seconde pour raison du lieu et fief boursal de Baudouin et boursaux aussy en tant et pourtant qu’il y en a de rellevant de cette seigneurie ; gager les rachapts, chevaux de services et tailles quand le cas y eschet suivant la coutume généralle du Maine et localle de la Ferté-Bernard ; ausquelles fois et hommages le procureur fiscal a déclaré n’empescher ledit sieur comparant audit nom estre receu en représentant le tiltre de propriété et qualité prise par le dit Sr de Cassigny, sauf à prendre après la ditte représentation et exhibition telles conclusions qu’il appartiendra pour raison des ventes, rachapts et autres profits de fief qui peuvent être dus, et encore de rendre lesdittes choses par aveu dans le temps de coutume, et faire à cette fin appeller devant nous les vassaux du fief boursal de Baudouin. Sur quoy nous juge susd. avons ausdittes parties donné acte de leurs comparutions, offres consentement, réquisitions et protestations. Et par provision receu led. Sr Moriceau audit nom aus dittes deux fois et hommages qu’il a présentement faittes, à la charge par le dit Sr de Cassigny d’exhiber aux prochaines assisses que nous avons indiquées au jeudy dix juin prochain, les tiltres justificatifs de propriétté desd. choses et des qualitées prises par la procuration cy-dessus laquelle demeure à cet effet vers cour préalablement certifiée et paraphée par led. Sr Moriceau, et encore à la charge de faire assigner audit jour dix juin les vassaux dudit fief boursal de Baudouin pour exhiber et représenter devant nous les tiltres d’héritages qu’ils y possèdent, et pour iceux faire les obéissances suivant la coutume  et ensuitte ledit sieur Moriceau rendre par aveu dans le délay quy luy sera indiqué, signéz sur Le registre Moriceau, Trassard pour la cour Rigault et Papillon
Fait et arresté aux assisses de seigneurie de St Georges du Rosay tenues en la maison seigneurialle dud. St Georges par nous François Rigault, Sr de Beauvais, ad(vo)cat en parlement, bailly de lad. seigneurie, en présence de Mrs Roch François Trassard procureur fiscal et René Papillon, greffier, le vingt huitième jour d’avril mil sept cens vingt troiz, signéz Trassard, Rigault, et Papillon, controllé à Bonnestable led. jour et an, signé Moriceau quy a receu trois livres douze sols. Papillon.

Vacations des trois officiers : 12 livres                               Controlle : 3 livres 12 sols  formulle 5 sols
le tout paié par Michel Avice


Que faut-il penser de cette procédure engagée en avril 1723 ? Tout d’abord il faudrait connaître le contexte de cet oubli. Jacques Cassini ne suit peut-être pas ses affaires ou a des problèmes financiers en d’autres lieux.Rh st g rosay 6 Mais force est de constater que cette période de vingt-neuf années, durant lesquelles les versements n’ont pas été effectués, prend naissance en 1694, donc avec son père Jean-Dominique Cassini I.          

                             Signatures de la fin de l'acte officiel chez Maître Jourdain à Paris

Acte du 10 juillet 1753
Intervient alors un autre personnage Dominique-Jean Cassini, né en 1713, fils aîné de Jacques Cassini. Maître ordinaire de la chambre des comptes qui se distinguait dit-on par sa parfaite probité et qui va acheter les fiefs de la Miloudière et de Baudouin pour la somme de
"quatre mille deux cens livres payés en louis d’argent et monnoyes que le di fr Devaudetard reconnait avoir presentement reçu comptant"Lesquels fiefs d’ailleurs, avaient déjà été vendus par Jacques Cassini le huit juin 1753, donc un mois avant, à Messire de Vaudetard. Nous évoquions des difficultés financières chez Jacques de Cassini en avril 1723, nous en avons là une confirmation. Le fils aîné de Jacques Cassini devient propriétaire des fiefs pour la somme de quatre mille deux cent livres. Il s’agit de transactions financières familiales, puisque nous avions trouvé François Chevallier, seigneur de Vaudetart, collégataire avec Jacques Cassini dans la succession de Claude pierre de Laistre.

Photo 7

 

 

 

2 Juin 1773 Aveu de Dominique Jean Cassini
Après l’achat à Messire Chevallier de Vautelard suit un aveu rendu au nom de Mre
de Cassini à la Seigneurie de St Georges de partie des lieux de la Miloudière et Baudouin et du fief de Baudo
uin.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


Après avoir compulsés les différents documents qui attestent de la possession des fiefs des Cassini à Saint-Georges-du-Rosay, en en donnant même certains détails parfois superflus, resituons les domaines géographiquement.

Prenons à l’évidence la « Carte de Cassini » : il s’agit de la N° 63 pour cette région.

Photo 8Nous trouvons à l’examen de cette carte réalisée en 1744 et publiée en 1783, les lieux de La Fortinière, Guerpeigne, le Menil, la Miloudiere, d’une orthographe un peu déformée, mais  évoqués dans les actes. Par contre, chose étrange, le lieu du Grand Baudouin pas plus que celui de Baudouin n’apparaissent.
Pourtant Cassini II hérite avant 1723 du fief boursal du Baudouin. Mais alors les personnes qui ont effectués les relevés font là une mauvaise recherche et sont coupables d’un oubli inquiétant « sur les terres » d’un Cassini !
Cassini III en 1783 évoque cette possibilité, en élaborant son projet de la Carte de France :
« les noms auroient été défigurés, s’ils euffent été écrits comme on les prononce, fouvent les Indicateurs ne favoient écrire les noms des Villages qu‘ils indiquaient. Nous ne pouvons donc trop répondre d’une Nomenclature parfaite, d’autant plus que les perfonnes qui auraient été les plus capables de leur donner des éclairciffements, cherchaient fouvent à les tromper, ne regardant pas d’un bon œil l’ufage qu’ils prévoyaient que l’on pouvait faire d’une Carte auffi détaillée, pour lever de nouveaux impôts. Ce foupçon mal fondé que j’ai eu de la peine à détruire, a été caufe que l’on a pas éxécuté une partie de mon projet qui comprenait l’Hiftoire naturelle de chaque Province »

La triangulation de la région qui englobe Saint-Georges-du-Rosay
Avec le quadrillage de cette carte apparaissent les principaux angles des triangles qui servent de fondement à la description géométrique de la France. À partir des lignes verticales parallèles au Méridien de l’Observatoire Royal de Paris, et des  perpendiculaires à ce dernier à une distance de 60 milles toises, sont indiqués les points utilisés pour les triangulations.

Le Plaisir, Le Mans, Bellesme, la Bosse, Nogent-le-Rotrou, Montmirail, La Ferté-Bernard… sont des points qui nous concernent.
Photo 9J’ai cherché « le Plaisir » comme lieu de référence pour la triangulation, en réalité il s’agit de Montplaisir sur la commune de
Beaufay dont le repère géodésique se situe à 144 mètres d’altitude. J’ajoute que l’anecdote rapportée par Maître Soriau et extraite de la chronique locale est intéressante bien que postérieure à l’époque dont nous parlons.
Elle
« rapporte qu’entre 1816 et 1818, fut édifiée au sommet du coteau une construction en bois assez étrange, reposant sur trois pilotis hauts de douze à quatorze pieds (environ 3 m 80 à 4 m 50) comportant un plancher de forme triangulaire de sept à huit pieds de côté (2 m 20 à 2 m 60), avec des volets amovibles.
Un personnage inconnu des gens du secteur y montait de temps à autre. En dehors de toute information crédible, on supposa tout d’abord qu‘il s’agissait d’un ouvrage pour le télégraphe. Mais des personnes qui s'aventurèrent à y monter aperçurent sur une petite table des règles, pinceaux, crayons, papiers et autre matériel utilisé pour dresser des plans, ce qui incita à conclure que l’inconnu pour lequel cet ouvrage avait été construit était un ingénieur géographe »…

Tout ceci nous permet de rapprocher cette narration (anodine) de celles que faisaient les ingénieurs de Cassini qui expliquaient les difficultés éprouvées. L’ambiance de certaines  anecdotes, décrit bien le résultat de la méfiance dans les villages.
Un géographe qui faisait ses observations à partir du haut d’un clocher
« fut tiré en bas de son échelle et pratiquement taillé en pièces par la foule des habitants qui prétendaient que sa sorcellerie semait la mort parmi les villageois ».

Les objets remarquables utilisés pour ces mesures étaient
« tels que les Clochers, Tours, Moulins à vent, Châteaux, Montagnes, Arbres isolés & lorsque les objets manquent, en créer de nouveaux, tels que des Pilliers, des Piramides & Arbres placés dans les lieux les plus éminens. »
Il serait permis d’émettre des réserves sur les résultats obtenus quand on suit les commentaires :
« Les fignaux auxquels le défaut d’objets nous obligeait d’avoir recours, étoient fujets aux mêmes inconvéniens ; les payfans effrayés de ces fignes, ne fe contentoient de les abattre, lors même que nous étions sur les lieux, & ils attendoient notre départ pour les faire disparaître & couvrir l’endroit de terre, de maniere que les Ingénieurs n’ont pû les reconnoître par la fuite ».

30 Juin 1774
Mais nous arrivons au dernier acte de la série. Ce document porte la date du 30 juin 1774 et relate l’acquisition de la Miloudière, du Baudouin et du fief bursal en dépendant, par M. Fleury.
« Par devant les Conseillers du Roy notaires à Paris soussignés fut present messire Dominique Jean de Cassini chevalier Seigneur de Thury Villerval et autres lieux Conseiller du Roy en ses conseils, maitre ordinaire en sa chambre des comptes demeurant à Paris à l’observatoire rue et paroisse Saint Jacques du haut pas. Lequel a par ces présentes vendu promis et s’est obligé de garentir de tous troubles evictions et autres empechements généralement quelconques, a peine de toutes pertes dommages et intérets et faire jouir proceder et valloir envers et contre tous a Me André Mathurin Fleury notaire et commissaire à terrier de la Baronnie de Bonnetable, absent, ce accepté pour lui par s. Pierre Michel Thoret Bourgeois de Paris y demeurant rue de Condé paroisse Saint Sulpice.
A ce present, au nom et comme fondé du pouvoir Special du dit Me Fleury, dont l’original datté de Bonnetable le vingt deux juin dernier, controllé à Paris le vingt huit du dit mois, représenté par le dit Sieur Choret qui le certifie veritable et demeure joint à la minute des presentes apres avoir été de lui signé et paraphé en présence des Notaires Soussignés, acquéreur pour le dit M
e Fleury ses hoirs et aiant causes, Les objets cy après, scavoir --- Ainsi les fiefs de la Miloudiere et de Baudouin quittent la Famille de Cassini --- La presente vente ainsi faitte pour le prix principal de neuf mille six cents livres que mon dit Sieur De Cassiny declare et reconnoît avoir reçue du dit Sr acquereur en especes d’or et d’argent aiant cours, dès le vingt sept avril dernier ; de laquelle somme de neuf mille six cent livres mondt Sr de Cassini  est content en quitte et decharge le dit Sr acquéreur ».
Il semblerait que le sérieux de Dominique Jean de Cassini voit ici sa pleine application dans l’énumération des détails des fiefs. Le montant de la vente permettra sans doute de rétablir un équilibre financier.

En forme de conclusion
Que peut-on penser, après la lecture des différents actes, d’une éventuelle présence physique des Cassini à Saint-Georges-du Rosay ?
Tout d’abord nous constatons que les Cassini faisaient réaliser leurs « affaires »  par des  notaires de Paris, du Châtelet en particulier, comme  Maître Jourdain. Qu’ils donnaient pouvoir, souvent à Maître Jean-Baptiste Collet des Brunetières Procureur fiscal de la Baronie de Bonnetable pour les représenter. Rien ne prouve qu’un seul des Cassini seulement ne soit venu à Saint-Georges. Par contre, en dehors de ces relations, disons financières, qui se trouvent dans les archives notariales de ce quartier du Haut Pas au Châtelet, il serait intéressant de pousser plus loin les recherches sur les affinités qu’entretiennent entre eux ces différents personnages. En particulier, ce qui pourrait être intéressant pour nous, celle de notre astronome Chappe d’Auteroche, célèbre dans le monde de l’astronomie de cette époque. Après des études à Paris au Collège Louis-le-Grand, il se fait remarquer par le principal, lequel le recommande à Cassini.
Mais j’ajouterai maintenant une constatation dans cette investigation : celle de la présence de certains membres dans différentes loges de la Franc-Maçonnerie. Si Cassini est à la loge de la « Philosophie », Chappe d’Hauteroche est membre de la loge des Chevaliers d’Orient (Conseil des Empereurs), tout comme l’abbé Pringé d’ailleurs.

Tableau année 1779 : Loge de la philosophie à l'Orient de Paris

Rh- st georges-rosay 10

Une parenthèse sur Cassini de Thury quant à son lieu de naissance :
Dans cette approche de la présence des Cassini, un "mystère" apparaissait. J'ai participé à l'inauguration de la plaque sur l'école du village de Saint-Georges-du-Rosay, maintenant appelée École Cassini. Toutes les dates, naissances et morts des différents Cassini, ont été évoquées selon la chronologie adoptée, mais j'avais un doute en ce qui concerne César. Était-il bien né à Thury en 1714 comme il est convenu habituellement de l'écrire ? doù une enquête complémentaire amusante, qui ne change rien à notre recherche sur les Cassini à Saint-Georges-du-Rosay.

Quels étaient les éléments en ma possession ?
1°) Dans les « Extraits des Preuves de Noblesse de diverses familles faits par les Généalogistes des ordres du Roi depuis 1765 jusques et compris 1780 », pour prouver leurs titres, la famille Cassini écrit que César-François Cassini de Thury est né en 1716 à Thury.
2°) Dans un autre document issu des loges maçonniques, signé de César Cassini, lui-même se déclare né le 1er janvier 1716 à Perinaldo.


J'ai continué cette investigation à Thury avec une première réponse obtenue aux archives de l'Oise : "Je suis au regret de vous informer que la consultation des registres paroissiaux de cette commune pour les années 1714 à 1716 ne nous a pas permis de trouver la mention son acte de baptême. Je ne dispose pas par ailleurs d'autres informations confirmant que César François Cassini est bien né à Thury le 17 juin 1714 comme cela est généralement admis." Quant à l'Observatoire de Périnaldo, on ne sait pas, ou on ne sait rien... Étrange histoire.
Mais enfin, cette enquête s'est arrêtée, j'en étais ravi.

J’ai interrogé Madame Françoise Launay (Madame Françoise Launay. Observatoire de Paris, Paris, SystèmeRh st g rosay cassini image de la lunes de Référence Temps-Espace SYRTE) qui m’a communiqué cette réponse : "César François Cassini a bien été baptisé le 17 juin 1714, mais à l’église Saint-Jacques-du-Haut-Pas à Paris (ce qui n’est pas surprenant), là même où Cassini I est inhumé.
Je tiens cette information d'un répertoire alphabético-chronologique des baptêmes célébrés en cette église, répertoire qui se trouve à la Bibliothèque Historique de la Ville de Paris. Comme vous le savez, la presque totalité des actes paroissiaux de Paris a brûlé en 1870 et il est assez extraordinaire que ce répertoire se soit retrouvé dans la vitrine d'un libraire il y a quelques dizaines d'années et que le conservateur de la BHVP ait eu la bonne idée de l'acquérir".
Sa référence exacte est celle de la note 19 de mon article sur La carte de la Lune dans l’Astronomie de janvier 2003.


Quittons Saint-Georges-du-Rosay, Cassini I et les fiefs bursaux de la Miloudière et de Baudouin, dot de Geneviève de Laistre à notre astronome, les tracas financiers aperçus durant quelques années, et regagnons plutôt
la carte de la Lune. Cette carte est présentée en 1679 à l’Académie des Sciences. Cassini y fait graver un cœur dans la mer de la Sérénité, et le profil d’une tête de femme : celui de Geneviève de Laistre. Voilà enfin un acte d’amour envers sa fiancée cette fois, que je retiendrai. Lui ne figure évidemment pas dans la série de ceux qui m’ont été confiés.

Ces propositions sur la position du point étudié pour la cartographie selon Cassini III, devait être confirmée in situ. Puisque nous étions à Beaufay pour la recherche d'un cadran solaire, je demandais à Annie et Patrick Pissot d'entreprendre "l'ascension" de la butte de Monplaisir !
Ces deux cousins sportifs et amateurs de patrimoine se firent un plaisir de gravir la pente malgré les obstacles du sol et des fils barbelés avant d'arriver au point géodésique !

Beaufay socleJ'ajoute que, durant cette "promenade", ils photographièrent un cadran solaire contemporain réalisé par Jean-Michel Ansel.
Cadran méridional, moulé en béton, circulaire sur socle, lignes chiffrées en bout dans macarons en cuivre, arcs des solstices, équatoriale, décor au verso, style polaire terminé par rondelle, jambe arquée.
Réalisation et commentaires
: Jean-Michel Ansel - 1997

Beaufay cadran

 

 

 

 

 

 

 

 

Haut de page

Date de dernière mise à jour : 13/03/2022