Le cadran de Jean Vaugeois

Dans le dictionnaire des Artistes et Artisans Manceaux, les cadraniers ne sont pas oubliés et au nom de Vaugeois nous trouvons : « Chanoine de l’Église du Mans, Archidiacre de Sablé, auteur de nombreux cadrans solaires en ardoise ». En 1917, l’abbé Legros signalait la présence de deux cadrans solaires, l’un dans la communauté des Frères du Rancher, l’autre au presbytère de Laigné-en-Belin. Sur ce dernier on pouvait lire : « Messire Philippot chantre et Chanoine m’a donné à l’église de Laigné-en-Belin. Johannes Vaugeois, canonicus et archid, de Saboleis me fecit 1761 ».
Dans le répertoire historique de la Semaine du fidèle on peut noter : Vaugeois Jean prête, licencié de Sorbonne, Chanoine prébendé de Saint-Julien, mort le l6 octobre 1771. Au cours de mes recherches sur les cadrans solaires sarthois, je n’avais jamais retrouvé ces deux cadrans. C’est seulement en 1995, que par hasard, il m’a été proposé pour analyse, un cadran octogonal d’un encombrement de 440 mm, avec des côtés de 184 mm et une épaisseur de 21 mm. Poids 11 kg. Cadran très bien gravé et signé Vaugeois. Enfin un cadran de ce chanoine !

Au-dessus du soleil qui en occupe le centre, partent les lignes horaires. Au-dessus encore le nom du réalisateur : vaugeois chne arch. de sablé et enfin le commanditaire : pour Mr Negrier 1760.

Qui était ce Monsieur Négrier ? Philippe Bouton pensait qu’il s’agit de François Gabriel Négrier sieur de la Ferrière, né en 1713, d’abord correcteur en la Chambre des comptes de Blois, puis portier de la Reine, enfin conseiller à la cour des monnaies de Paris. Mort à la Vagotière à Degré en 1784.

On découvre maintenant une description gnomonique de ce qui est gravé. Je me permettrai de réduire mon exposé, comme pour le cadran de Pezé-le-Robert :

- À gauche les lignes de 1 h de l’après-midi à 8 h du soir, à droite de 4 h du matin à 11 h. Avec les 1/2h et au centre la ligne de midi. Cette ligne est accompagnée par les 12 signes du Zodiaque, répartis de chaque côté.

- Dans une deuxième couronne les noms des villes de territoires d’îles ou de caps connus à cette époque. Ces noms correspondent "en gros" au décalage du lieu par rapport à Degré, qui sera en retard ou en avance sur le lieu mentionné. On aura également les noms des villes ou des lieux en partant vers l’ouest et en partant vers l’est.
Très passionnant voyage autour de cette planète et quelle aventure géographique pour Monsieur Négrier. Les cadraniers du XVIIIe siècle suivaient et s’intéressaient aux découvertes.

- Une troisième couronne nous indique les angles, de 15° en 15°, de 0 à 180° : une comparaison avec nos connaissances actuelles quant aux positions angulaires des villes ou des lieux obtenus dès cette époque est tout à fait acceptable !

- La quatrième couronne concerne les latitudes connues à cette époque.

Soyons indulgents, pensons à l’époque où furent obtenus ces différents résultats et regardons là encore le chemin parcouru depuis l’emploi généralisé de la boussole (XIIIe) et les cartes pour la navigation de port à port (les portulans). Les expéditions du XVIIe s’efforceront de reconnaître les continents, d’établir des "relations commerciales", mais les explorations du XVIIIe siècle seront systématiquement entreprises à des fins scientifiques.
La question qui peut être posée est de savoir si cette présentation du cadran fut faite à la demande de Monsieur Négrier, ou si le Chanoine Vaugeois avait tout simplement l’habitude d’introduire sur ses cadrans des connaissances géographiques à la mode au XVIIIe siècle.
La propriétaire de ce cadran qui m’avait confié ce cadran pour l’analyser, m’ayant demandé de l’aider pour en faire un don aux Musées du Mans, j’ai écrit une lettre, en date du 22 septembre 2010, arguant sur le réel intérêt de l’objet pour notre département. "Je pense que sa place dans les collections des musées est tout à fait souhaitable. Il est un très bon exemple de la gnomonique du XVIIIe siècle dans notre département".

                   Ce cadran est désormais au musée de Tessé.